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La guerre du Golfe comme opération de police internationale - Temps critiques
Temps critiques #3

La guerre du Golfe comme opération de police internationale

, par Riccardo d’Este

Traduit par : Dominique Albrespy

C'est la première fois qu'une telle formule « opération de police internationale », est officiellement utilisée pour définir une guerre. En Italie, pour les raisons que nous verrons, elle a eu un énorme succès auprès des plus hautes autorités. Le président du Conseil des ministres, M. Andreotti, l'a employée au début des hostilités pour justifier l'intervention italienne, du reste plutôt réduite, aux côtés des alliés dans la coalition anti-Saddam. Le président de la République, M. Cossiga, l'a ensuite entérinée dans un discours de circonstance pour un cessez-le-feu, qui s'est conclu sur un bizarre et quelque peu maléfique « Que Dieu protège l'Italie ».

L'objectif d'Andreotti, faisant entrer l'Italie dans la guerre, était par trop évident : éluder l'article 11 de la Constitution italienne qui interdit à notre pays d'entrer en guerre, sauf en cas d'agression directe et de défense du territoire national — manifestement, cela n'a jamais été le cas de cette guerre. Cossiga, emporté par l'enthousiasme et l'émotion pour la pax americana, y a apposé son sceau définitif. Le stratagème, parce qu'un peu trop voyant, pour ne pas dire insolent, a indigné tous les opposants à ce conflit ; il a suscité des diatribes juridico-politiques plus ou moins savantes, il a rappelé, plus ou moins à propos, les écrits de l'onu, leur fonction, le droit international, et ainsi de suite.

Personne, ou presque, n'a pris au sérieux cette formulation mais, surtout, personne n'en a tiré les conséquences qui s'imposaient sur le plan théorique et analytique, ce qui aurait permis de tenter de cerner les scénarios mondiaux à venir.

Les nombreux bellicistes belliqueux, qui n'ont pourtant pas hésité à franchir le seuil du délire et du ridicule1, ne l'ont pas fait. Ces idéologues du parti de la guerre, on peut, grosso modo, les subdiviser en trois grands courants : « les utilitaristes occidentaux », dont l'Italie, c'est-à-dire ceux qui étaient surtout préoccupés par la stabilité des économies et des sociétés occidentales, dans le cas d'une redéfinition du contrôle sur le marché du pétrole et sur les aménagements géopolitiques au Moyen-Orient, avec une attention particulière pour l'allié de toujours, Israël, qui pouvait voir sa toute-puissance dans cette zone diminuée. Les « américanophiles », c'est-à-dire ceux qui considèrent que la reproduction du statu quo dans chaque pays et dans les différentes régions du monde dépend essentiellement du contrôle et de la suprématie militaire des États-Unis, soit pour faire face à d'éventuels désordres internes, soit pour dominer les conflits internationaux (ce sont ceux-là, au fond, qui se sont le plus rapprochés, quand bien même implicitement, du concept de « police internationale », pour en exalter évidemment la fonction). Enfin, les « fondamentalistes idéologiques », c'est-à-dire ceux qui semblent avoir pris au sérieux les idéologies dominantes, professées un peu partout, et qui, donc, ont cru nécessaire d'affirmer, même en temps de guerre, certaines valeurs-charnières de l'ordre capitaliste mondial — surtout après l'écroulement des pseudo-antagonistes de l'Est — que sont la « démocratie », la « légalité », la « justice », etc. — établies une bonne fois pour toutes par le système social existant et par les croyances officielles.

Il va de soi que ces courants ont eu souvent entre eux des échanges d'idées, les mélangeant différemment, selon les tendances, et que l'ensemble, en occupant massivement les médias et en constituant l'opinion prédominante, a formé le bloc « pro-guerre ». Face à la formulation d' » opération de police internationale », ils n'ont fait qu'acquiescer en faisant sournoisement un appel du pied à ceux qui étaient si malins pour utiliser une périphrase permettant ainsi à l'Italie d'entrer légalement et constitutionnellement dans cette guerre, ce qui était leur seul objectif. À cette guerre, bien sûr, doit succéder une « paix juste », c'est-à-dire déterminée par les vainqueurs, dont ils comptent bien faire partie. Le crétinisme et la servilité de tels politiciens et « penseurs » les ont de fait empêché de deviner le passage historique vers lequel nous nous dirigeons, et qu'ils n'auraient pas manqué d'applaudir s'ils l'avaient compris, étant donné leur nature plus policière que guerrière.

Tout à fait différente, mais pas pour autant plus perspicace, a été l'attitude du front anti-guerre — très disparate — qui, à dire vrai, a maintenu un profil plutôt bas, comme si le sage « Non à la guerre ! » pouvait tout expliquer et tout unifier. Ce front hétérogène, défini et se définissant comme « pacifiste », a obtenu sa plus grande victoire dans les réactions houleuses qu'il a soulevées dans le camp adverse, celui des bellicistes ; mais, à quelques exceptions près, il est resté à l'intérieur d'un cadre conceptuel et interprétatif donné, dans un but uniquement pacifiste. On n'a pas remarqué un renversement de perspective spectaculaire.

Ce front hétéroclite est allé, en Italie, de secteurs catholiques, encouragés par les paroles du Pape qui s'est toujours abstenu de bénir la guerre, à une série de réalités christiano-humanitaires ; des non-violents de toutes sortes aux antimilitaristes de principe (les zones culturelles d'où proviennent en grande partie les objecteurs de conscience) ; d'un vaste champ de néo-utilitaristes (la guerre n'est qu'un « gaspillage » humain, écologique, économique, etc.) aux écologistes les plus divers ; des tiers-mondistes aux anti-impérialistes traditionnels ; des ex-communistes qui se sont recyclés comme démocrates de gauche aux encore communistes, mais démocratiques, etc., jusqu'à cette catégorie de gens, surtout des jeunes, qui, les plus sensés peut-être, ont dit qu'ils ne voulaient pas de cette guerre « pourquoi pas », certainement à cause de la peur non dissimulée, et justifiée, des conséquences que cela entraînerait avant tout sur le plan de leurs vies quotidiennes.

Toute cette frange a critiqué, attaqué ou bafoué la formulation « opération de police internationale », identifiant en elle une circonlocution « pudique » pour parler et traiter de la guerre, comme un mensonge arrogant, comme une forme de soumission rusée mais vile à la volonté des États-Unis, etc.

Selon l'idéologie de chacun, les causes principales de ce conflit ont été attribuées à la tentative de prendre le contrôle du pétrole ; au conflit indissoluble entre le Nord et le Sud (pas dans un sens uniquement géographique, mais surtout économique, politique, culturel ; pour certains entre l'opulence et la misère) ; à la nécessité capitaliste récurrente de la guerre, en tant que gaspillage absolu, pour étancher les crises de surproduction et en exorciser la menace ; au besoin, pour écouler en hâte les arsenaux emmagasinés et relancer la production militaire ; ou encore à la volonté de l'Occident d'affirmer sa domination et de laisser à la périphérie toutes les autres civilisations et cultures. Toutes ces explications contiennent une part de vérité, mais leur erreur commune est de ne pas avoir saisi la profonde vérité inhérente à la formule « opération de police internationale », même s'il s'agit d'un mensonge patent, car c'est justement cette arrogante évidence qui en fait apparaître la vérité sous-jacente. Comme la vérité vraie ne peut pas être dite simplement, on la revêt des habits du mensonge, de façon que, paradoxalement, tout en restant telle, elle énonce la vérité qu'elle affirme apparemment comme mensonge. Un triple saut mortel.

Le gouvernement italien, en l'occurrence, savait parfaitement qu'il s'agissait d'une guerre qui serait parmi les plus destructrices, du moins pour l'ennemi, comme il savait devoir y aller au nom de cette alliance et de cette dépendance qui lient l'Italie aux autres pays, et en premier lieu aux États-Unis, dans l'espoir motivé d'obtenir aussi des avantages importants. Une guerre, donc, et de portée mondiale, à la fois par le nombre de pays impliqués, par la complexité de l'aire géographique touchée, et, surtout, par son enjeu. J'estime que personne, pas même le plus fat et le plus vaniteux des « spécialistes » exhibés par les médias, n'a cru à un blitz rapide et presque indolore, à des « opérations chirurgicales », à la reproduction à une vaste échelle des rapides et victorieuses incursions des pilotes de chasse, ou de leurs autres homologues policiers, contre des terroristes, des délinquants, etc. Cela faisait partie de l'arsenal le plus traditionnel et le plus vulgaire de la propagande. Mais cela ne retire rien au fait qu'il se soit « agi réellement d'une opération de police internationale ».

En effet, il n'existe pas d'opération de police qui ait a priori la certitude de se terminer rapidement, avec un minimum de pertes et un maximum de succès. Ou encore qui ait la certitude de ne pas faire de victimes, tant (un peu) parmi les forces de l'ordre que (beaucoup) parmi les « délinquants », ainsi que parmi ceux qui s'y trouvent impliqués même involontairement. L'histoire des opérations de police est marquée par des faits de ce genre. Surtout que, depuis peu, dominant le spectacle auquel nous devons tous assister, le succès est plus dans la grandeur des images qui sont véhiculées, et par conséquent dans la réaffirmation allusive et elliptique de l'inéluctabilité de l'État et de sa force, que dans la prévention ou la répression de tel ou tel crime. En Italie, comme dans les autres pays d'Europe, on ne compte plus les morts lors d'opérations de police, surtout parmi les « criminels », tout vrais ou présumés qu'ils soient, parmi les spectateurs et les passants, et, dans une moindre mesure, parmi les forces de police. Aux États-Unis il existe tout simplement une sorte de programmation : à plusieurs occasions on a détruit des immeubles entiers qui étaient habités2 afin de débusquer et d'éliminer des délinquants ou des terroristes. Au-delà des condoléances de circonstance, les autorités n'ont pas trop de scrupules à se justifier, et ce, toujours à travers deux formules standards à l'efficacité certaine : « On ne pouvait pas faire autrement, sinon ç'aurait été pire pour toute la société » ; « Dans des opérations de ce genre, il y a toujours des marges d'erreur, mais de toute façon ce qui compte c'est qu'on ait atteint nos objectif. » D'ailleurs, la totale impunité dont jouissent leurs représentants (du moins tant qu'ils font partie du bon côté, c'est-à-dire celui des vainqueurs) et la rapidité frénétique, obsessionnelle, avec laquelle on consomme socialement des images et des émotions, vu qu'il y en a toujours d'autres qui sont proposés sur le marché (qui se souvient un mois après de tel ou tel « accident », de tel ou tel catastrophe ?) font que les organisateurs des opérations de police se préoccupent très rarement d'éventuels effets « rebonds ».

Ce n'est donc pas le nombre de morts ou de destructions qui décide s'il s'agit ou non d'une opération de police. Ce n'est pas pour rien que le Washington Posta pu relever, avec une évidente satisfaction, que les Américains tués (quatre) dans les cent premières heures de guerre terrestre anti-irakienne représentaient un nombre inférieur aux Américains assassinés (sept) dans le même espace de temps et dans la seule ville de Washington. (Il va de soi que les morts irakiens font partie d'un autre comptage, d'un autre bilan !)

C'est pourquoi on doit changer nos critères d'évaluation. Il s'agit moins de considérer les moyens employés ou les dégâts causés, ou même le nombre de victimes « ennemies », militaires ou civiles, que les objectifs, les finalités. Et cela bien que les dégâts causés dans cette guerre aient été d'une rare ampleur : les Américains affirment, tout en s'en vantant, que jamais dans l'histoire un seul pays n'avait été bombardé comme l'a été l'Irak ; que la quantité d'explosif qui a frappé ce territoire en même pas deux mois est de loin supérieure à celle qui avait frappé l'Allemagne cinq années durant, lors de la Seconde Guerre mondiale ; que l'effet des bombardements sur Bagdad a été supérieur en puissance à celui d'Hiroshima.

Par police nous pouvons entendre l' » organe du pouvoir exécutif qui a le devoir de faire respecter les lois, en en facilitant la réalisation, en en prévenant et en en empêchant la violation », selon l'acception renforcée de ce terme, aussi bien dans un sens linguistique que juridique. Il va de soi qu'une définition déjà en apparence si neutre est inquiétante, vu qu'elle ne nous dit rien sur la nature d'un tel pouvoir ni sur celle des lois et, par conséquent, pas davantage sur les opérations de police. Mais il y a de quoi s'inquiéter encore plus quand on a affaire à une police internationale. On ne peut pas faire autrement que de se demander de quel pouvoir exécutif relève cet organe et quelles lois entend-t-il faire respecter au niveau international ? Qu'on ait dit de la guerre du Golfe qu'elle était une opération de police internationale, et pas seulement pour employer un astucieux euphémisme met en évidence, aussi bien ses modalités que ses fins déclarées, non par l'onu, certes, qui n'est qu'une misérable façade pour des décisions qui sont prises ailleurs et qui au plus peut disposer d'une « force multinationale de paix », et non d'une police mondiale, mais bien par les États-Unis et leurs alliés. D'autre part, qu'on allait vers une situation de police mondiale, naturellement intégrée par toutes les polices locales, on pouvait déjà le prévoir depuis longtemps.

Certes, il n'est pas nouveau que les États hégémoniques jouent un rôle de police, non seulement comme l'expression d'une souveraineté — et donc d'un monopole des forces — à l'intérieur de « leur » territoire, mais aussi de façon extensive dans les aires soumises à leur contrôle, comme une sorte de souveraineté indirecte. Ce qui est nouveau, par contre, c'est la tendance à l'intégration internationale, après la dissolution du socialisme réel à l'Est et sa conséquence immédiate, la chute du bipolarisme entre les deux superpuissances militaires, leurs alliés, leurs sphères d'influences qui, naturellement, se diffusaient aussi dans les pays qui n'étaient pas étroitement placés dans l'orbite d'un des deux blocs. Personne d'un peu sérieux ne peut regretter le bipolarisme, ou ce qu'on a appelé tout simplement la « guerre froide », mais cette tendance à l'intégration internationale doit être examinée à cause de ses conséquences potentielles dont la coalition anti-Irak n'est qu'une anticipation.

Parler avec des « si » est un exercice le plus souvent futile, mais dans ce cas précis il n'est pas très difficile de voir que si ce processus d'intégration mondiale n'avait pas été mûr une telle guerre contre l'Irak aurait été pratiquement impossible, surtout sous l'égide fictive des Nations Unies. Il suffit de penser, par exemple, au droit de veto que possèdent les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'onu, parmi lesquels L'urss et la Chine, et comment ce droit a toujours été employé avec beaucoup de désinvolture quand on présentait des motions contraires aux intérêts des pays hégémoniques ou de leurs « alliés », ou sous leur contrôle — l'unique incident qui fit scandale fut celui des Soviétiques, aux temps de la guerre de Corée, dû à la suffisance et à la grossièreté de l'urss elle-même. Par ça, on n'entend pas soutenir qu'on ne serait pas allé à brève échéance vers une guerre, plus probablement vers toute une série de guerres, au Moyen-Orient, mais avec des caractéristiques très différentes, comme cela s'est passé pour la guerre des Six Jours ou pour celle qui a duré huit ans entre l'Irak et l'Iran. Guerres tout aussi cruelles, mais auxquelles le concept d'opération de police ne pouvait s'appliquer.

D'autre part, excepté pour la guerre de Corée, les deux conflits majeurs de notre temps (après la fin de la Seconde Guerre mondiale), c'est-à-dire le Viêt-nam et l'Afghanistan, ont été justifiés — car c'est de cela qu'il s'agissait : de justifications — d'une façon profondément différente. Les Américains, d'un côté, les Soviétiques, de l'autre, soutenaient leur intervention, soi-disant parce qu'ils étaient « appelés à l'aide » par des gouvernements légitimes et amis, contre une guerre de guérilla qui se déclenchait à leur encontre à l'intérieur du pays. On comprend donc que cela a peu à voir avec une opération de police internationale. Ce n'est pas par hasard que l'opinion publique a été divisée, de façon notable, sur les raisons de fond de ces deux guerres et sur les interventions qu'elles ont motivées : contre ou en faveur d'une lutte de libération, dans un cas, et par rapport à la légitimité du gouvernement « communiste », de l'autre. Et ce n'est toujours pas par hasard si, dans ces deux affaires, les deux superpuissances retournèrent chez elles la queue basse, vaincues surtout par l'opposition intérieure et internationale, bien que par la suite la situation afghane se soit montrée extrêmement atypique puisque le gouvernement collaborateur à la Quisling, avec l'appui des Soviétiques, s'est miraculeusement maintenu jusqu'à ici.

Excepté l'invasion de la Grenade par les États-Unis, épisode également quelque peu atypique, la première grande opération de police internationale s'est faite avec l'intervention américaine au Panama, en décembre 1989, entraînant la capture du « traître » général Noriega, chef du gouvernement, et sa déportation pure et simple dans une prison américaine (on n'en entend plus parler, officiellement on ne sait plus rien de lui). Panama fut un test particulièrement significatif, une sorte d'essai en miniature au préambule d'un Nouvelle Ordre mondial de la planète, de son Gouvernement, avec toute la police nécessaire pour le défendre.

Pour la majorité des gens, sauf pour nous3, cet épisode est passé pratiquement inaperçu, comme si c'était naturel, et ce, essentiellement pour trois raisons : 1) depuis longtemps il est accepté ou subi par tout le monde — sauf rares exceptions, surtout s'il s'agit des mouvements d'opposition dans cette partie du monde — que l'Amérique centrale a été et continue d'être l' » arrière-cour » des États-Unis, comme les Américains eux-mêmes aiment à définir cette région ; 2) du fait que Noriega, homme de main de la cia et, donc, d'une certaine manière, interne à la politique des États-Unis et de leurs affaires, mais en même temps impliqué dans des trafics de drogue internationaux, était devenu un homme imprésentable ; 3) à cause de l'apparente rapidité et aseptisation de l'intervention américaine qui dans ce pays rencontra effectivement peu de résistances.

Bien peu firent remarquer alors que cette action « rapide et indolore » avait fait entre six et sept mille morts, surtout des civils4. Peu encore semblent se souvenir que depuis plus d'un an un important contingent militaire américain (« forces de police ») est toujours présent au Panama. Personne, ou presque, n'a voulu relever le fait que ce blitz a été toléré par les autres puissances, ou tout simplement approuvé par elles. Maintenant, preuves en main, nous pouvons affirmer que cette action, a été, bien qu'à une échelle réduite, la première opération de police internationale. Dès lors, nous devions nous attendre à d'autres exploits de ce genre, comme l'action menée aujourd'hui contre l'Irak, avec l'approbation des puissances mondiales et avec un point commun inquiétant, malgré les différences de niveau : Noriega tout comme Saddam ont été punis non pour les crimes qu'ils ont réellement commis, soutenus en leur temps par l'Ordre mondial, et en premier par les États-Unis, mais parce qu'ils avaient des prétentions, parce qu'ils voulaient agir de leur propre chef et devenaient en cela ingérables (la même chose arrive aux tueurs de la Mafia qui, après avoir obéi aux ordres, se dressent sur leurs ergots sans respecter l'ordre hiérarchique naturel ; et en cela j'affirme clairement et avec certitude que l'organisation même des États a beaucoup appris de la Mafia, tout comme celle-ci les a imités, vu qu'ils sont les fruits d'un même arbre).

Les spécifiques et particulières matrices purement économiques, tout en subsistant, semblent avoir de moins en moins de poids face à ce Nouvel Ordre mondial, à ce Gouvernement supranational qui, à travers l'accord explicite ou implicite des différents États, permettrait la reproduction illimitée du système économique, politique, juridique, institutionnel existant. Bref, qui permettrait de diriger sur l'ensemble de la planète la misère et la survie, entre les opulences éclatantes de la consommation et le feu des armes.

Il est reconnu, par exemple, que les intérêts économico-commerciaux (mais aussi stratégico-militaires) des États-Unis par rapport au canal de Panama ont été et sont toujours très importants. Il est également vrai que le général Torrijos, mort de façon mystérieuse, maître et prédécesseur de Noriega, avait signé en 1977 un accord avec l'administration américaine qui prévoyait et prévoit toujours la restitution au Panama de sa souveraineté sur le canal d'ici à 1999. L'échéance de cette date ainsi que les bizarreries et les sursauts nationalistes imprévoyants de Noriega ont dû beaucoup préoccuper le gouvernement américain actuel qui, même après l'an 2000, aura toujours besoin d'exercer un contrôle sur le canal de Panama. Mais il est évident que les américains avaient bien d'autres moyens d'agir que l'invasion, soit en s'accordant avec Noriega en personne, même s'il était un domestique qui s'était montré infidèle, soit en le ramenant de quelque façon que soit à la raison, ou tout simplement en l'éliminant (et Bush, qui fut à la direction de la cia, ne se pose certainement pas de cas de conscience quant aux moyens d'action). Mais les américains ont préféré l'invasion, le massacre, la capture spectaculaire de Noriega et son transfert dans les geôles de Miami. Un économicisme aveugle ou un anti-impérialisme simpliste peuvent-ils expliquer à eux seuls l'intervention des États-Unis dont l'intérêt dans cette affaire n'aurait été que le contrôle du canal de Panama ? Trop d'éléments échappent à ces analyses réductrices. Les interprétations de type psychologique — proposées par certains commentateurs —, comme quoi Bush souffrirait d'un « délire de puissance » ou d'un profond ressentiment personnel à l'égard de son serviteur renégat, ne sont pas plus vraisemblables. La complexité de la société internationale ne permet pas de pareilles simplifications. L'hypothèse d'une aspiration à un gouvernement mondial paraît bien plus convaincante : par des actions de police internationale exemplaires, effectuées par les États-Unis en personne, il est montré que dans le partage planétaire des rôles c'est à eux, indiscutablement, que revient la prédominance militaro-policière, qui ne leur est plus contestée par l'urss, tandis que la supériorité économique, dans la société de la reproduction constante et infinie, est désormais l'apanage d'autres pays, comme l'Allemagne ou le Japon.

Le même raisonnement vaut pour le contentieux avec Saddam Hussein et l'Irak, cause d'une guerre sanglante qui s'est à peine déroulée. Il est indiscutable que Saddam en s'emparant du Koweït voulait surtout s'emparer des ressources pétrolifères qui s'y trouvaient. Ainsi, il voulait — mis à part des dédommagements contractée pour les dépenses engagées dans un conflit contre l'Iran qui a duré huit ans — un plus grand pouvoir de négociation sur le prix du brut et, donc, un moyen de chantage, aussi bien vis-à-vis de l'opep que des économies occidentales. Mais il faut préciser tout de suite, afin d'éviter toute équivoque et pour ne pas rentrer dans la propagande grossière des américains durant cette guerre, que la production totale des deux pays (Irak-Koweït) est nettement en dessous des 15% de la production mondiale du pétrole (les données sont approximatives, bien que les experts les donnent pour certaines, parce que justement il y a eu et qu'il y a toujours des arrangements « au noir », pour obtenir, par exemple, des fournitures militaires en échange) ; que de toute façon les ressources des deux pays — au niveau des gisements et de l'extraction du pétrole brut — n'atteignent pas un tiers des ressources totales5, et ce, pour longtemps ; enfin, que les États-Unis, quant à la production et aux réserves pétrolifères, s'autosuffisent parfaitement. S'ils ont choisi d'acquérir une partie du brut provenant des pays du Golfe ce n'est que pour des raisons économiques (au sens étroit du terme) et politique (au sens large du terme). Le « poids pétrolifère » de Saddam ayant été de toute façon des plus relatifs, il apparaît emphatique et inexacte de définir cette guerre comme étant uniquement et principalement une « guerre du pétrole ». D'autre part, le raisonnement tenu à propos du Panama vaut tout autant pour l'Irak. Les États-Unis, les pays occidentaux, etc., n'auraient eu aucune difficulté pour s'entendre avec Saddam Hussein, d'autant plus que depuis longtemps ils s'étaient arrangés avec lui pour la vente d'armes et pour l'attribution de financements à l'époque où l'Occident craignait une déstabilisation en provenance de l'incontrôlable Iran khomeyniste. Le laïque Saddam Hussein apparaissant alors être, d'une part, comme une protection occidentalisée contre le déferlement de l'intégrisme islamique et, d'autre part, comme un garant contre les vues expansionnistes syriennes, vu l'inimitié absolue existant entre les gouvernements de ces deux pays. Un vertigineux ballet d'alliances, d'argent, d'armes, de pétrole, d'idéologies s'est déployé, entraînant tout le monde et n'excluant personne. Avec l'urss, qui n'a pas hésité à fournir des armes et des conseillers militaires tant à l'Irak qu'à la Syrie, nous en avons un exemple significatif.

Examinée à la lumière réductrice de l'économie, la guerre du Golfe apparaît complètement démentielle, incompréhensible, presque impossible. Et pourtant elle a eu lieu. Ne pouvons pas plus soutenir sérieusement, au-delà des discussions sur le droit et la légalité internationales, que le sort des souverains du Koweït, qui étaient de bons alliés, certes, mais imprésentables avec leurs richesses insultantes et dépourvus d'influence à tous points de vue, pouvait intéresser les États-Unis (comme on l'a vu, le pétrole koweïtien n'est pas tel qu'il puisse modifier les équilibres mondiaux, du moins ceux des pays développés, et les richesses accumulées par le clan de l'émir, quant à elles, n'étaient pas en mesure d'intéresser qui que ce soit, sinon des banquiers rampants ou des commerçants en gros et au détail). L'argumentation avancée par certains « commentateurs influents », selon laquelle la puissance militaire irakienne — surestimée et gonflée avec art, comme les faits l'ont démontré — aurait particulièrement mis en péril la sécurité de l'État d'Israël, l'enfant chéri depuis toujours des États-Unis (et des puissants lobbies américains et internationaux), lesquels l'ont laisser faire toutes sortes d'incursions, de mains basses, d'annexions, ne vaut guère mieux. Et ce n'est pas par hasard si l'État d'Israël s'est laissé chatouiller sans rien dire en ne s'en prenant qu'aux Palestiniens des territoires occupés, déléguant ainsi à la police internationale les tâches qu'il avait jusqu'ici assumé en personne, avec une remarquable efficacité. En réalité, la force militaire irakienne ne pouvait inquiéter Israël que jusqu'à un certain point, étant donné sa plus grande puissance militaire (et nucléaire) et son réseau important d'appuis internationaux. Cela aurait dissuadé à l'avance l'Irak d'attaquer directement Israël, dont on ne voit d'ailleurs pas les raisons particulières qu'il aurait eu de le faire6. Les Irakiens, en effet, ont seulement commencé à lancer leurs vieux Scuds quand ils se sont vus le dos au mur, face à leur espoir déçu de briser la coalition, du moins dans ses composantes arabes. Israël, à travers sa politique d'hégémonie militaire et stratégique au Moyen-Orient, pouvait craindre également la force militaire égyptienne ou syrienne, en augmentation croissante. Or, aussi bien Moubarak qu'Assad ont participé à la coalition, ce qui veut dire qu'ils étaient alliés aux États-Unis et de fait à Israël.

De toute façon, la guerre a eu lieu et s'est — provisoirement — conclue sur un massacre tout à fait prévisible, surtout des irakiens. Ainsi, le sens de cette guerre, son but doivent être recherchés ailleurs, dans d'autres nécessités, dans d'autres projets ; ainsi retombe-t-on sur le concept et la pratique d'opération de police internationale.

L'administration américaine et Bush en premier lieu n'ont jamais fait de mystère là-dessus et en ont même souvent affirmé les véritables buts. Plus précisément, un entrelacement de buts renvoyant à un grand projet planétaire unique. À savoir, que dans ce conflit étaient en jeu l'hypothèse et la concrétisation d'un Nouvel Ordre mondial, avec une redéfinition globale des aménagements territoriaux et des sphères d'influence, lesquelles, aujourd'hui, ne peuvent plus être partagées, mais doivent être considérées par rapport à un gouvernement mondial unique. Qu'ensuite les États-Unis se sont proposés de façon explicite et catégorique comme candidat à cette fonction gouvernementale, vu qu'ils sont désormais les seuls à pouvoir le faire, alors que leurs partenaires ne sont là que pour faire office de support, principalement à l'intérieur de leurs propres zones, et éventuellement, s'ils sont riches, comme financiers, étant donné les importantes dépenses qu'une telle organisation comporte. Enfin, que le statu quo international doit être maintenu à tous prix pour que chaque modification locale, au préalable négociée, puisse être acceptée et consentie par ce gouvernement mondial (il s'agit ici d'un avertissement envers toute velléité d'indépendance, nationale ou intégriste ; l'hypothèse d'un bouleversement social radical n'est évidemment pas pris en considération, car c'est le rôle des États d'empêcher qu'une telle chose advienne ; mais, dans le cas où cela aurait lieu et où les forces locales ne suffiraient pas, on ferait alors appel à une intervention supranationale).

Le projet d'un gouvernement mondial, fruit d'alliances et d'accords pour de mutuels avantages — et sous l'égide, de toute manière, des États-Unis — qui dictera ses lois et veillera à leur application, sollicitera ou extorquera un consensus général, intervenant, dans le cas précis d'oppositions, de révoltes ou de contentieux particuliers, par des opérations de police, paraît tout à fait clair. Il ne s'agit ni plus ni moins de ce qui s'est toujours fait et se fait toujours au niveau de tout État : une fois qu'on a établi les lois (« démocratiquement » si possible, c'est-à-dire décidées par les détenteurs du pouvoir, avec l'accord explicite et formel des citoyens), une fois que les « forces de l'ordre » ont été constituées, tout transgresseur, quel qu'il soit, individu ou groupe politique, est puni au nom de la loi et, au besoin (exécution, capture, détention), avec l'appui des forces de police et des auxiliaires de l'appareil judiciaire, qui vont des magistrats au geôliers. (Ce n'est pas par pur délire mégalomaniaque, ni par exhibition triomphante et immodérée, que beaucoup proposent un procès pour les vaincus irakiens, Saddam en tête. Cela va au contraire dans le sens d'une affirmation définitive des règles et des lois internationales. Il va de soi que le concept même de « crime de guerre » est extrêmement faible, vu que la guerre est déjà en soi un crime contre l'humanité, et qu'il est donc sanctionné par la force des vainqueurs. Je ne doute pas un instant, quant à moi, que les Irakiens aient torturé et tué, mais il s'agit hélas de pratiques courantes, même dans nos commissariats de quartier ! D'autre part, je n'ai pas encore vu qu'on ait jamais fait un procès, style Nuremberg, à ceux qui ont décidé et effectué le bombardement-massacre de Dresde ou le largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Le crime de guerre, au-delà du fait qu'il se trouve dans le ventre même de la guerre, répond aux même critères selon lesquels, en temps de paix, on définit les crimes, c'est-à-dire selon la logique de ceux qui détiennent le pouvoir et entendent le maintenir).

Mais la nouveauté, pour ainsi dire, consiste en ce que ce schéma très simple, éprouvé et efficace, soit appliqué à une échelle planétaire.

La domination du capital, en s'autonomisant de plus en plus de la sphère de la production et en se proposant comme reproduction illimitée de soi et de ses objets (humains compris), tend à se caractériser comme ordre mondial. L' » utopie du capital », celle de se pérenniser et de se substituer à la nature elle-même, rejoint ainsi son point culminant : un ordre en soi et pour soi — sa forme prédominante est la démocratie formelle — qui assume et règle l'existence des hommes, de la nature et de l'économie.

Malgré la proposition emphatique, un peu partout, de théories néolibérales ou néolibéralistes, c'est en réalité exactement le contraire qui est train de se passer. Ce n'est pas le libre marché (des biens durables et non durables — de consommation — et de la force de travail elle-même) ni la loi de la valeur, en bronze ou en or, qui déterminent l'ordre social, économique et politico-institutionnel, mais c'est l'ordre, dans sa forme étatique, nationale et supranationale, qui impose un marché, établit la valeur et détermine les règles d'échange, en se fondant de plus en plus sur l'immatérialité des biens et sur le spectacle des besoins. Cette autonomisation du capital de la sphère de ses propres fondements n'est rien d'autre que le résultat d'un processus de développement qui a atteint son apogée et qui maintenant se fixe dans les mécanismes de la reproduction, garantis par les armes et par les polices7.

On pourrait rétorquer que ce développement n'a pas intégré toute la planète et que, même, il existe des zones dépossédées, où la misère est toujours en augmentation, qui pourraient ou devraient être colonisées ou civilisées par le capital et son mode de reproduction, avec le corollaire d'une démocratie plus ou moins contrôlée. Rien de plus inexact au regard des exigences globales du capital. En effet, le système capitaliste mondial vit justement sur ces différenciations, c'est-à-dire en administrant les différences que sa progression de développement a accentuées ou tout simplement déterminées. Ayant assimilé les analyses pertinentes de Rosa Luxemburg — qui voyait un écroulement, ou une implosion, inévitable lorsque toute la zone mondiale aurait été capitalisée et privée ainsi de secteurs sociaux ou géographiques où encaisser la plus-value extorquée —, il ne tend pas à une homogénéisation des marchés, qui comporterait une irrésistible tendance à la saturation et, justement, à l'implosion, ni au développement illimité et élargi de la production qui mènerait à de graves crises de surproduction, que la guerre, comme méthode classique pour faire obstacle à la surproduction serait impuissante à résoudre, tout comme échouerait la méthode plus moderne de production de marchandises de consommation presque immédiate (en effet, le développement de la production mènerait justement à un surplus productif de ces marchandises ), ni, enfin, à la capitalisation du monde au sens où l'on créerait dans chaque zone géographique un pôle capitaliste semblable et donc concurrent — ce qui dans le passé détermina la guerre inter-impérialiste. À l'opposé, il tend à la globalisation des différences existantes, pour permettre leur réglementation à travers le gouvernement et l'Ordre mondiaux, ainsi qu'à la diminution progressive de la production au sens propre et à l'élargissement illimité de la reproduction.

La croissance exponentielle de la micro-électronique, de la télématique, de la cybernétique, etc., montre bien cette tendance : ces nouvelles technologies ne sont appliquées à la production de biens matériels que dans une proportion réduite (par rapport, évidemment, à leur quantité globale) ; la plus grande partie est destinée aux biens immatériels, comme l'administration, le spectacle, les services ou la guerre elle-même — croisement entre bien matériels et biens immatériels ! L'industrie informatique, qui vit en ce moment une période de reflux, à cause justement d'une surproduction, face à la masse d'investissements accomplis, recevra certainement une nouvelle impulsion de la guerre du Golfe, où tout est « technologique », hommes compris (et les prisonniers irakiens compris, qu'on nous a montrés en train de baiser la main d'un marine ou se jetant comme des chiens affamés sur un morceau de pain. Cela peut sembler cynique, mais ils n'existent que parce que ces images peuvent nous être diffusées, que comme matière première et vivante du spectacle. Ainsi sont-ils eux aussi « technologiques »).

Cette situation, qui est déjà présente et qui s'affirmera encore plus avec le temps, est extrêmement préoccupante, mais c'est la réalité. Non seulement elle indique la réalisation d'un niveau supérieur de la domination réelle du capital, mais elle nous démontre comment certaines analyses, dites anarchiques ou « acrates », ou tout simplement « anti-autoritaires », ont été jetées par la fenêtre un peu trop vite. On voit, en effet, que l'autorité répressive de l'État, ou du sur-État, au lieu de s'atténuer, de se démocratiser, tend plutôt à se renforcer à l'échelle planétaire. On voit que l'État, ou l'Ordre mondial, n'est pas seulement un comité d'affaires de capitalistes associés, mais qu'il veut aussi exprimer la volonté, l'intérêt, le sens du capital dans sa complexe totalité ; il y a, bien sûr, des bandes rivales entre elles, qui peuvent aller jusqu'à s'affronter, mais toutes poursuivent le même but, à travers le même moyen : le contrôle étatique. Enfin, on voit que si, par certains côtés, la démocratie est réellement l'enveloppe de la société la plus utilisable par les révolutionnaires — comme le soutenait Lénine —, elle est, de fait, sûrement la forme de gestion la plus appropriée au capital, et du reste elle n'exclut pas la barbarie ou la coexistence avec des régimes despotiques, pourvu qu'ils soient intégrés à l'Ordre mondial et alignés sur lui.

Malgré tout le mépris qu'on doit nourrir envers un Saddam Hussein, massacreur de Kurdes et d'opposants à son régime, on ne peut pas s'empêcher de le voir comme une victime annoncée et désignée de cette ambitieuse hypothèse de Nouvel Ordre mondial. Comme un niais, il est tombé dans le piège qui lui était tendu depuis longtemps. Le Nouvel Ordre devait se manifester, s'inaugurer en quelque sorte, et l'opération de police devait être exemplaire — littéralement : fonctionner comme exemple et avertissement pour tout le monde. Si les sionistes d'Israël ont toujours cherché, même avec toutes les protections dont ils jouissent, à ne pas « outrepasser » leurs ambitions, si les intégristes islamiques d'Iran, en dépit du soutien des grandes masses populaires droguées, ont su « se limiter », c'est-à-dire accepter les limites qu'on leur a imposées comme sphère d'influence, Saddam Hussein a enfreint des règles non écrites mais explicites. Dans un certain sens, il a mordu la main du patron, tout comme Noriega l'avait fait, bien qu'à une échelle plus réduite. Il n'a pas compris, en somme, qu'un tel conflit devait arriver, pour illustrer par un exemple concret le sens et les modalités de ce Nouvel Ordre mondial, la fonction de police planétaire des États-Unis, flanqué de ces « anomalies » économiques que sont l'Allemagne et le Japon, et pour souligner l'intégration entre tous les pays et, en premier lieu, avec ceux de l'Est8. Ç'aurait pu ne pas tomber sur lui et probablement pensait-il pouvoir obtenir une marge de tolérance et ainsi se tirer d'affaire (il suffit de penser à son entretien avec l'ambassadrice américaine à Bagdad, peu de jours avant l'invasion du Koweït — largement diffusé par tous les médias internationaux —, qui semblait presque donner l'autorisation, le green light pour l'annexion de l'émirat). Mais toute une série de facteurs, au-delà de son action militaire et de son type de gouvernement, en un certain sens quasi occasionnels, ont fait de Saddam un exemple par excellence. Ce fut pour lui un échec, et même pire que ce qui avait été prévu, mais aucun révolutionnaire ne s'en plaindra.

Mais si au niveau éthique et humain il est juste de se révolter contre la guerre, contre toutes les guerres, et contre celle qui vient à peine de s'achever, il est encore plus nécessaire de penser, sérieusement, à ce qui est défini comme étant l'après-guerre, c'est-à-dire à la façon de s'opposer à ce Nouvel Ordre mondial, à ces polices nationales et internationales, à cette domination démocratiquement totalitaire qui pèse sur nos vies.

Si cette machine supranationale n'est pas enrayée à plusieurs niveaux, si les fondements mêmes du pouvoir ne sont pas remis en cause, et dans la pratique même, nous connaîtrons un longue et sombre saison d'hiver, où les luttes de libération et d'émancipation du capital et de l'État seront effacées, et sur laquelle ne brillera plus que le soleil artificiel du spectacle, mielleux, rassurant ou terrifiant selon les exigences des metteurs en scène.

Turin, mars 1991

Notes

1 – Si on peut sourire du délire sénile d'un journaliste italien « influent », comme Indro Montanelli, qui, dans un éditorial, a résumé très sérieusement, mais non sans un certain humour involontaire, l'idéologie américaine en la personne de John Wayne, qui nous a toujours sauvés, nous pauvres Européens et que nous devons donc prendre en exemple. Paolo Mieli, directeur de La Stampa, d'Agnelli et de la Fiat, quant à lui, dans son article de fond daté du 28-2-1991, dépasse les bornes du ridicule. Celui-ci, ex-pseudo-gauchiste et calomniateur de profession de tout mouvement subversif, s'est retrouvé dans une situation significative, indécente même du point de vue professionnel. Alors que le journal, prenant acte de l'annonce de Bush, titrait à la Une « La guerre est finie », lui, son directeur, dans un article évidemment écrit avant les décisions du « Boss », énonçait « qu'une fois que la bataille a commencé elle doit être menée à terme », et théorisait ainsi sur le fait que les alliés devait aller jusqu'à Bagdad pour éviter de laisser « germer les émeutes dans ces États arabes qui se sont engagés dans le conflit ». Bush, en bon ex-directeur de la cia, devrait tirer les oreilles à ses agents imprudents et provocateurs.

2 – Souvenons-nous de l'épisode de Philadelphie, en mai 1985, où la police avait lancé une bombe incendiaire contre une maison détruisant ainsi une partie du quartier (cité in Abolire il carcere ovvero sprigionarsi, Torino, éd. Nautilus, 1990, p. 6), et l'attaque meurtrière contre un immeuble habité par les membres de l'Armée de libération symbionaise.

3 – Voir Intorno al Drago, Torino, éd. Nautilus, 1990.

4 – Ces données, comme toutes celles qui concernent le Panama, sont désormais du domaine public, on ne les cache même plus. Une source importante est le livre La invasión de Panamá écrit par un des plus célèbres auteurs panaméens, José de Jesús Martínez, disparu cette année en février.

5 – Selon la revue Fortune d'il y a plusieurs mois, à une époque non suspecte, antérieure à la propagande d'intoxication.

6 – En effet, la « question palestinienne » a été de toute évidence un prétexte pour le régime irakien pour s'attirer la sympathie et la solidarité des populations arabes, vu que jamais auparavant Saddam Hussein et son gouvernement ne s'étaient publiquement occupés de ce problème, sauf pour accorder une hospitalité intéressée à des organisations palestiniennes.

7 – La « sécurité » est un secteur fondamental dans les services. Jamais comme à cette époque il n'y a eu une telle prolifération d'agents publics et privés de l'institution « sécurité ». Il ne s'agit pas seulement d'une soupape de sûreté par rapport au chômage ni simplement d'une militarisation de la vie courante. C'est plutôt un élément central dans le processus de reproduction. Comme, par exemple, dans la production taylorisée sur les chaînes de montage dans les usines, le chronométreur avait un rôle essentiel, ainsi dans la société de reproduction, société de toutes les sociétés, la fonction du contrôleur, ou du policier, est aussi importante que celle des médias ou que celle des producteurs et reproducteurs de spectacle social, politique incluse.

8 – La très mauvaise image récupérée par l'urss dans la prétendue crise du Golfe et le rôle évident de figurants choisi par les pays de l'Est (il suffit de penser, d'un point militaire, qu'ils ont décidé de dissoudre le pacte de Varsovie, tout en laissant subsister l'otan  !), vient de deux raisons fondamentales : la première est que les régimes du « socialisme réel » n'avaient plus ni force, ni idéologie, ni matériel (économique) pour survivre comme bloc à part, face aux agitations survenues dans ces pays et face à la conjoncture internationale. La seconde est que les problèmes d'ordre interne ont prévalu et prévalent encore sur les problèmes internationaux, de sorte que le Nouvel Ordre mondial convient aussi bien à l'urss qu'aux États-Unis, bien que l'Union soviétique soit contrainte, mais non contre sa volonté étant donné les questions internes non résolues, d'interpréter le rôle d'aide de camp.