À propos de Collegamenti-wobbly

par Jacques Guigou, Jacques Wajnsztejn

Cette synthèse est faite à partir d’un article de Gianni Carrozza introduisant aux textes de ce courant de perspective assembléiste et conseilliste ayant eu une activité importante en Italie depuis les années 19701. Comme nous l’avons quelque peu négligé dans notre partie sur le « mai rampant italien » dans Mai 1968 et le mai rampant italien, L’Harmattan, compris dans la nouvelle édition revue et augmentée, 2018, nous avons jugé nécessaire de réparer cet oubli et de le livrer comme matériau supplémentaire rejoignant nos différentes annexes au livre. Toutefois, nous avions livré quelques éléments critiques dans l’article « De l’Autonomie aux autonomies », disponible ici. Nous les plaçons à la fin de la présentation de Gianni Carrozza.

 


 

La préhistoire de Collegamenti (1969-1972) : Azione Libertaria

La situation en 1968 en Italie est assez semblable à celle de la France, c’est-à-dire que les groupes anarchistes ont ou sont en train d’éclater parce que, pour différentes raisons, ils ne sont pas en phase avec les mouvements qui se développent dans ce cycle de lutte et cet événement est aussi rupture avec les années précédentes, même s’il y a eu des prémisses. Comme en France, les influences sont multiples et débordent largement les frontières de l’anarchisme avec des références à Socialisme ou barbarie et à l’Internationale situationniste.

Si le vieil anarcho-syndicalisme italien, qui n’a pas son correspondant en France, semble être revitalisé par les actions de deux nouvelles sections de l’USI, ce sont les comités unitaires de base (CUB) qui offrent les meilleures possibilités « ne serait-ce que pour dépasser les débats sur le dualisme organisationnel qui avaient marqué l’anarcho-syndicalisme historique » (Gianni). Cette phase se conclut rapidement avec les bombes fascistes du 25 avril 1969 (Foire de Milan), et plus encore celle du 12 décembre 1969 (Piazza Fontana), qui provoquent la dissolution des deux sections USI, dont les militants se recyclent dans une activité essentiellement anti-répressive, tandis que Avanguardia operaia prend le contrôle des CUB.

« Face à, d’un côté, une attitude de repli sur soi dominante en milieu anarchiste officiel et, de l’autre, la tendance, influencée par le situationnisme, qui cherche une autre forme de purisme révolutionnaire dans la vie des individus révolutionnaires, la tendance qui se constitue avec le groupe Azione Libertaria cherche à préserver son enracinement dans les usines et les quartiers et s’ouvre aux expériences conseillistes et opéraïstes, qu’elle réinterprète en en faisant une lecture de type anarcho-syndicaliste et anti-parti. Plutôt que de se lancer dans une activité de propagande, comme la majeure partie du mouvement anarchiste milanais, elle investit ses énergies dans l’enracinement et dans les luttes d’usine.

Le groupe n’est pas homogène ; on y trouve les tendances existentialistes, qui avaient vécu aux marges du mouvement anarchiste, des marxistes libertaires (ou révolutionnaires) influencés par Socialisme ou barbarie, par le communisme de conseils, par les thèses de Daniel Guérin, par le Mai français et par une interprétation anti-léniniste du matérialisme historique, jusqu’à certaines influences néo-bordiguistes (Invariance), et surtout des camarades critiques de leur formation anarcho-syndicaliste d’origine et favorables à l’idée de groupes autonomes d’usine » (Gianni).

Au-delà d’un activisme assez général, le groupe a commencé à fonctionner comme pôle de référence pour des ouvriers de Milan, que ce soit ceux des grosses usines comme Pirelli, Siemens et Alfa Romeo, ou ceux des petites usines de Sesto San Giovanni et de Cinisello, et pour le CUB cheminots. Les difficultés à mener une action cohérente sur l’école à l’échelle de la ville ont favorisé l’intégration dans les activités d’AL des étudiants provenant du groupe Kronstadt.

On sort de la préhistoire de la revue

En janvier-février 1971, la première phase anarcho-syndicaliste entre en crise, en raison d’un côté du départ des tendances situo-existentialistes, crise qui fait chuter significativement le nombre de membres, de l’autre de la fin des occupations de logements de la via Mac Mahon, suivie d’une forte répression policière, laquelle met en lumière l’exiguïté de la base sociale des occupants dans cette phase et la gestion bureaucratique de la lutte par le groupe Lotta Continua, qui la contrôlait.

L’analyse critique de cette expérience débouchera sur le refus de constituer un groupe extérieur aux situations et aux luttes et a privilégier la constitution d’un groupe de réflexion qui soit l’expression directe des situations de lutte.

Dans cette période, l’influence d’ICO d’une part, d’un groupe post-situationniste des Marches surnommé « les cybernéticiens » d’autre part, se fait sentir.

Dans l’expérience d’Azione Libertaria on trouve certains des éléments qui caractériseront à la fois le collectif Proletari Autonomi, le Centro Comunista di ricerche sull’Autonomia Proletaria » (CCRAP) et tout ce qui se constitue autour de la revue Collegamenti.

« L’aire de Collegamenti se passionne assez peu pour les chamailleries idéologiques des milieux d’ultra-gauche qui s’entrecroisent au cours des années 70. La tentative de s’enraciner dans la lutte sociale reste une constante. L’idée de fond est que la radicalité n’a de sens que si elle est partagée par le plus grand nombre. D’où l’idée-force selon laquelle il convient de rester constamment en contact avec “le niveau moyen” (et non les pointes) des comportements ouvriers radicaux, à l’intérieur de la lutte de classe, à l’intérieur du secteur radical des grandes usines milanaises. L’action directe dans les luttes poussait à chercher et à valoriser les formes d’auto-organisation, contre l’idée même de parti et les fonctions de médiation syndicale » (Gianni).

L’histoire de Collegamenti

Le CCRAP (1972-1975) rassemble à Milan des groupes d’usine liés à Proletari Autonomi ; il fournit une contribution significative à la constitution des assemblées autonomes milanaises avec un texte fondateur (L’autonomia operaia e l’organizzazione, Milan, février 1973), fonctionne comme pôle d’agrégation pour des militants d’origines diverses (Lotta Continua, Collettivo Politico Metropolitano, groupes de quartier), fait paraître le bulletin Collegamenti et une série de textes sur des questions spécifiques, en les associant à un débat avec des groupes français comme ICO et Lutte de classe.

À partir du printemps 1974 commence un processus de regroupement national avec des camarades et groupes d’autres villes comme Turin, Marghera, Florence (Autogestion), Reggio Emilia, Pérouse, Rome (ex-Federazione Comunista Libertaria), Naples (Kronstadt, dont bon nombre étaient sortis de la FAI sur des positions archinovistes mais avaient été attirés vers l’aire autonome), Todi (anciens de Lotta Continua), etc. Ce processus débouchera en mars 1977 sur la sortie du premier numéro de la revue.

De la première série de Collegamenti per l’organizzazione diretta di classe — qui se veut l’expression du débat des collectifs d’usine et de quartier — sortiront 9 numéros entre 1977 et 1979.

Entre 1980 et 1983 sortiront quelques numéros de Wobbly, bulletin de lutte de précaires Milanais.

À partir de l’automne 1983 (no 10), la revue change de titre pour devenir Collegamenti/Wobbly, et continuera à sortir jusqu’au numéro 33 du printemps 1994.

Parallèlement à Collegamenti, d’autres initiatives, locales ou parallèles au niveau national, voient le jour. Nous en citons quelques-unes à titre d’exemple : Marxiana, Filo rosso, Anti/tesi, Vis-à-vis à Rome ou Liberazione à Todi, sans mentionner les diverses petites publications militantes parues dans plusieurs autres villes.

Le 1er février 1977, à Rome, les fascistes entrent à l’université et prennent d’assaut la faculté de sciences politiques ; ils tirent et blessent deux camarades. « Les camarades qui la diffusent devant l’université de la Sapienza, en pleine effervescence d’un mouvement qui se définit comme celui des “non-garantis” et qui voit son existence sociale comme structurellement extérieure aux usines, la présentent comme une “revue moraliste et usiniste”, soulignant ironiquement des caractères que le mouvement en cours semble considérer comme préhistoriques. La revue cherche à être une revue passerelle plus qu’un groupe avec une ligne définie et elle se rattache à la fois à certains caractères de la gauche communiste historique, qu’elle soit dite germano-hollandaise ou italienne » (Gianni) ; mais géographiquement, son influence ne se manifeste pas en dessous de Naples peut-être par refus de tout méridionalisme qui, par opposition, caractérise encore la ligne gramscienne du PCI sur le « sous-développement » du Mezzogiorno.

« L’autre élément qui marque fortement la revue des origines, c’est la centralité des collectifs d’usine qui sont l’épine dorsale du groupe milanais, le plus nombreux et le plus riche d’expériences. Le contexte général de crise de la forme parti et des groupes d’extrême gauche, la recherche de nouvelles formes d’organisation, de conflictualité, de lutte, d’enracinement social, la persistance de ce qu’à l’étranger on désigne comme le “mai rampant” italien et qui dure depuis au moins une décennie, dominent l’imaginaire des camarades qui s’embarquent dans cette aventure. C’est ce contexte de forte effervescence qui pousse les syndicats et la Confidustria (la confédération patronale) à signer en 1976 l’accord sur le point unique d’échelle mobile, accord qui pèsera dans les rapports de forces pendant toute la décennie suivante. C’est là un élément souvent oublié, mais qui est alors perçu comme une tentative de mettre un couvercle sur une casserole en pleine ébullition : ouvrir les cordons de la bourse en échange d’un peu de paix sociale. La manœuvre réussit en un sens, car c’est à partir de là que devient manifeste la fracture entre ceux qui sont dans l’entreprise (les “garantis”, qui bénéficient effectivement d’une garantie de salaire et d’une protection contre l’inflation, laquelle va devenir galopante dans les années suivantes) et ceux qui en restent aux marges, condamnés au travail noir, aux diverses formes de précarité, à un sous-salaire et à la surexploitation. Mais l’impression dominante au moment où naît la revue, c’est que la situation est ouverte, en pleine évolution, riche en possibilités d’approfondissement de la crise dans laquelle se débat le capitalisme italien » (Gianni).

Le Centro Comunista di Ricerche sull’Autonomia Proletaria (CCRAP) qui, entre 1973 et 1975, édite le bulletin Collegamenti. Ses militants ont participé à des occupations de logements, au mouvement des autoréductions et sont présents dans les « cercles du jeune prolétariat ». À Milan, le groupe Azione Libertaria a abandonné la forme du groupe anarchiste pour donner vie à une fédération de collectifs de situation, l’anti-groupe Proletari Autonomi. Un milieu que nous pourrions approximativement définir comme la fraction libertaire de l’aire de l’autonomie. C’est incontestablement le centre de gravité politique de l’expérience de la nouvelle revue.

« On ne pourrait saisir les termes du débat de la première série de la revue sans prendre en compte le fonctionnement du réseau auquel elle se réfère : il existe divers collectifs locaux qui sont le produit de situations de lutte, et ce sont eux qui donnent à la discussion ses orientations générales et son fil conducteur. Les camarades qui font partie de ces collectifs se retrouvent ville par ville, et, lorsqu’ils sont isolés, avec ceux qui leur sont le plus proche géographiquement ; ce sont eux qui constituent le premier véritable noyau rédactionnel et le premier filtre des textes, matériaux, documents, traductions, contacts fournis et qui, plus généralement, décident des axes à développer dans le débat national. Ce n’est qu’après ce premier écrémage au niveau local que se tiennent les rencontres nationales » (Gianni).

Entre 1977 et 1979, les contacts avec les camarades de Pordenone et Marghera s’étiolent, et il n’y a pratiquement pas de renouvellement. Si le groupe rédactionnel gagne en cohésion interne, cela se paie par un repli sur soi progressif. Une évolution qui, en fait, participe d’une crise plus générale affectant l’ensemble du mouvement en Italie à partir de 1977-78. Cela commence par une réduction progressive pour finir par l’extinction de la plupart des collectifs de situation, ce qui fait que la rédaction ne se trouve plus rattachée à l’aire des luttes qui l’avaient produite. Vers la fin des années 70 ne restent essentiellement que les camarades intéressés individuellement à la publication et engagés dans l’activité rédactionnelle. La revue, autour de laquelle se regroupent les camarades les plus curieux intellectuellement, offre un refuge au moment de la perte de liens avec les collectifs de provenance.

« Mais quels sont les éléments qui réunissent des militants avec des histoires aussi diverses et qui délimitent le périmètre du débat de la mouvance de Collegamenti ?

– Alors que les milieux d’origine opéraïste tendent à privilégier les moments forts des luttes ouvrières, dans le milieu de Collegamenti on tend à souligner l’importance des comportements “médians”, partant du principe que la radicalité ne signifie rupture que si elle devient sens commun et se transforme en comportement diffus. Le détachement envers l’idéologie du travail, par exemple, devient un des éléments clés sur lesquels les divers camarades se retrouvent. La rencontre de Bonassola, en octobre 1978, fournira l’occasion d’approfondir, élargir et confronter les divers points de vue sur le sujet et, pendant de nombreuses années, nourrira la réflexion de toute l’aire influencée par la revue. C’est d’ailleurs en 1978 que le groupe milanais atteindra un de ses plus hauts niveaux d’activité, au moment de l’enlèvement d’Aldo Moro, quand une manifestation, organisée à l’occasion d’une grève autonome par le réseau des petites usines où nos camarades sont présents, se déploie dans la ville. Les médias n’en touchent pas un mot et la criminalisation des comportements subversifs coupe rapidement les jambes au réseau qui s’est mis sur pied.

– La critique du marginalisme qui se répand avec le mouvement de 77 va de pair avec la critique du sport préféré de l’opéraïsme négriste, à savoir la chasse au “nouveau” sujet social. Contre l’idée qu’au cœur de la lutte de classe se trouve, à une période donnée, l’ouvrier-masse (suivi par “l’ouvrier social” pour finir aujourd’hui par une “multitude” indifférenciée), Collegamenti concentre ses efforts sur l’analyse de l’organisation capitaliste du travail, dans toute sa complexité, avec ses figures parcellisées, travail jugé indispensable pour comprendre les processus de recomposition par la lutte (en cela la revue se réfère aux traditions moins idéologiques et simplificatrices de l’école de la composition de classe des origines) et le réseau de relations qui rend possible cette recomposition.

– Une attitude commune à l’égard des syndicats. La plupart des camarades partent de conceptions de type anarcho-syndicaliste, mais il faut préciser que si la mouvance de Collegamenti y fait référence, c’est moins parce qu’elle a en tête un modèle d’organisation déterminé (elle fait plutôt preuve d’indifférence de ce point de vue) que parce qu’elle se réclame d’un ensemble de contenus et de pratiques comme l’action directe, le refus de la délégation, la totale révocabilité des mandatés, les tentatives de démocratie directe, le rejet de la bureaucratie, etc. Sans en faire une idéologie ni un discours purement identitaire, elle essaie de comprendre dans la pratique “à quoi correspond en réalité la jolie fable de l’auto-organisation de classe”. Si elle reprend bien sûr la critique d’origine conseilliste du syndicalisme (déficient dans les moments de crise et de rupture, tendant à l’intégration dans les moments de reflux), personne ne l’assume comme une nouvelle religion. Au point que, trente années plus tard, nombre de camarades ayant survécu au grand reflux des années 80 et 90 se retrouvent dans toute la variété des syndicats, petits et grands, que compte l’Italie d’aujourd’hui.

– La critique sans concessions de la logique des groupes armés se développe tout d’abord sur le terrain. Les camarades qui travaillent dans les grandes usines milanaises se trouvent contraints d’expliquer en quoi les actions armées sont nocives pour le développement d’une conscience collective et d’une organisation autonome des ouvriers. Opposés à la logique qui veut qu’un groupe de “spécialistes” de l’action armée prenne le contrôle de l’action radicale, ils se trouvent souvent entre l’enclume et le marteau : développer une critique concrète en démontrant publiquement, point par point, la vanité de ce type d’action peut conduire à être désigné comme “délateur” par ceux qui en profitent pour éviter de rendre des comptes aux camarades de travail. De ce fait, la critique ne peut que rester sur le terrain des généralités, de l’idéologie, terrain que les camarades refusent, précisément. À Rome, en 1977, le choix fait par le mouvement d’assumer la nécessaire défense des cortèges contre les agressions des fascistes et de la police entre en collision avec la logique profondément dirigiste des groupes armés, et se traduit par une défaite, ce qui laissera une certaine amertume dans les esprits. Pour développer cette critique, nous usons de la dérision, mais les choses ont déjà dépassé le cercle de notre modeste influence et notre aire se trouvera emportée dans la défaite plus générale subie par les mouvements sociaux. Sur un plan plus général, nous mettons l’accent sur ce qui fait la force du mouvement dans cette décennie : la persistance de la conflictualité, l’impossibilité pour les détenteurs du capital de parvenir à une société pacifiée. Mais nous observons aussi lucidement le terrain sur lequel l’État remportera la victoire et vers lequel les groupes armés tirent le mouvement : celui de l’affrontement direct, militaire, avec la criminalisation des comportements sociaux déviants et des luttes radicales qui en découle, mais aussi avec le recours aux repentis pour détacher le militarisme de ses bases sociales et plus largement pour détruire ce réseau de solidarités qui avait permis aux luttes d’éclore.

– Basisme et localisme dans certaines régions d’Italie, et “usinisme” en particulier à Milan, sont deux éléments qui marquent la pratique de la mouvance de Collegamenti. Caractéristiques obligées, dans un contexte dominé par la criminalisation de toute forme de lutte radicale et de comportement subversif, et qui oblige les divers collectifs, avant qu’ils se dissolvent l’un après l’autre, à se replier sur un terrain familier, à assumer une logique de niche, de secteur, de quartier, pour réussir à survivre.

– Le dernier grand mouvement ayant influencé le débat de la première série de Collegamenti est celui des salariés des hôpitaux – et plus généralement de la fonction publique –, un mouvement né du refus du contrat signé par les syndicats et qui débouche sur une quasi-dissolution des structures syndicales dans ce secteur. Celles-ci mettront longtemps à s’en remettre, mais, comme celui de 68, le mouvement sera sanctifié par ceux qui s’y seront opposés le plus ouvertement.

– Il faut enfin reconnaître notre dette envers la revue Primo Maggio, autant pour ce qui concerne un certain “opéraïsme à visage humain” qui a compté dans notre formation que pour la curiosité suscitée par ses recherches historiques sur “l’autre mouvement ouvrier”, recherches que Collegamenti cherchera à son tour à développer et à populariser ».

Gianni Carrozza, hiver-printemps 2022

 


 

Pour la revue Collegamenti-Wobbly, si l’opéraïsme d’origine s’est mué en « Autonomie », c’est que la théorie de la vie quotidienne comme fait politique est désormais vécue comme une crise d’un militantisme « qui ne paie pas ». Aujourd’hui, la couche sociale qui a porté le militantisme comme seul moyen d’intervention sur le social, constate son échec et abandonnant toute perspective et réflexion globales, porte aux nues chaque convulsion produite par la crise conjointe du capital et du prolétariat. « L’Autonomie » ne serait plus qu’une composante défensive du mouvement ouvrier, contre la rupture de la rigidité ouvrière, mais se faisant elle entérinerait la division, entre travailleurs « garantis » et « précaires », produite par la restructuration, alors que le capital lui-même serait en train de poser les prémisses d’une nouvelle recomposition de classe, en élargissant sa base productive. Cette dernière critique montre les limites de cette revue qui tente de sauver le concept de classe avec une conception sociologique d’une classe définie principalement par ses caractères objectifs. On se retrouve en deçà de la théorie opéraïste et sur des positions à peu près analogues à celles de la revue française Échanges.

Jacques Wajnsztejn, 1988.


 

Notes

1 – Il est consultable sur le site « Archives autonomie », à Collegamenti  : Centro Comunista di ricerche sull’Autonomia Proletaria (CCRAP) (1973-1975) et Collegamenti per l’organizzazione diretta di classe (1977-2021).

 

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