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Identité négative ou négation d'une identité ? - Temps critiques
Temps critiques #14

Identité négative ou négation d’une identité ?

, par Yves Dupeux

Votre texte m'a beaucoup intéressé, d'abord parce que je n'ai vu circuler que très peu d'écrits « théoriques » sur ce qui s'est passé là dans les banlieues, comme si l'engagement posait ici problème non seulement « sur le terrain » mais aussi « en pensée », ensuite parce que la position qui y est soutenue me semble forte. Je souscrits donc au point de vue que vous défendez, qui consiste à s'attacher au « dévoilement » contenu dans cette révolte en dehors de toute présupposition de son sens, présupposition qui serait en général d'ordre « classiste ». Grâce à cette approche, la spécificité de cette révolte relève d'un écart vis-à-vis des interprétations classiques et classistes, et cet écart explique pourquoi les discours tenus étaient et sont encore « à côté de la plaque ». Mais cette approche reste malgré tout problématique dans la mesure où elle voit cette révolte comme « l'expérience négative » d'une « identité négative ». Ce caractère « négatif » ne dépend-il pas encore en effet du « positif » sans lequel il ne serait pas le « négatif » qu'il est ? Ceci pose à l'évidence le problème de l'existence même d'une « identité négative », à savoir : « l'identité négative » est-elle une véritable identité, ou bien simplement la négation d'une identité (le « positif ») ? Ce problème va bien sûr de pair avec « l'inessentialisation de la force de travail » auquel il est lié dans ce texte. Ainsi, cette inessentialisation est-elle ou fait-elle encore une essence ou bien est-elle la négation de l'essence ? Et, question corrélative, si la force de travail n'est plus une essence, comment la nommer (car le travail ne disparaît évidemment pas pour autant) ? (J'ai le même problème avec l'Empire chez Negri : l'Empire est-il une nouvelle forme de souveraineté ou bien la négation de la souveraineté ?).

D'une certaine manière, il faut bien qu'il y ait une nouvelle positivité dans la négatif, sachant que c'est la nouveauté de cette positivité la rend différente de l'ancienne positivité. Mais c'est justement cela qui résiste encore au « dévoilement » pour nous tous.

 

 

Notes

* – Yves Dupeux. Lettre à Temps critiques, janvier 2006.

 

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