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L’État sous ses deux formes nation et réseau - Temps critiques
Temps critiques #20

L’État sous ses deux formes nation et réseau

, par Jacques Guigou

L’affaiblissement, voire la fluidification de l’État sous sa forme nation par la dynamique globalisante du capital a donné lieu, depuis une ou deux décennies à une multiple littérature politique. Certains théoriciens1 issus de l’ultra gauche avancent même que contrairement à la prophétie de Marx, ce n’est pas la révolution prolétarienne qui a conduit au dépérissement de l’État mais c’est le capitalisme qui le réalise. Si ce n’est au dépérissement — ça se saurait  ! — du moins qui a suffisamment altéré l’État — qu’ils nomment toujours «  bourgeois  » — pour que la «  révolution  » s’approprie cet acquis. On sait comment les évènements de ces deux mêmes dernières décennies ont donné tort à de telles divagations. La révolution prolétarienne s’est absentée du cours de l’histoire, l’État sous sa forme nation n’est plus ce qu’il était, mais il n’a pas disparu  : il s’est combiné avec ce que, depuis vingt ans, nous nommons sa forme réseau.

Lorsque nous employons l’expression condensée «  État-réseau  », il faut entendre l’État sous sa forme réseau. Il s’agit d’une tendance lourde et déterminante de l’État depuis quelques décennies mais cette forme réseau ne définit pas la totalité de l’État tel qu’il existe aujourd’hui. Il existe aussi sous la forme nation. Cette dimension double et combinée de l’État (qui n’est pas une dualité car il y a unité de l’État) et les tensions entre ces deux tendances constituent l’objet du présent texte.

Il y aurait une antériorité de l’État-réseau dans l’histoire des États  : l’État sous sa première forme

Dans notre article «  L’État-réseau et la genèse de l’État2  », nous avons cherché à valider l’hypothèse historique et politique selon laquelle l’État-nation n’est plus l’État sous sa seconde forme, c’est-à-dire l’État unité supérieure séparée de la société et la dominant. Les fortes tendances à organiser l’État sous la forme réseau le rapprochent de ce qu’il était sous sa première forme (pharaon, rois des rois, cités, etc.) c’est-à-dire comme l’unité supérieure d’une communauté-société hiérarchisée mais une unité supérieure non séparée de la société comme le sera l’État sous sa seconde forme, celle de l’État-empire, État-royal, État-nation.

S’agissant de l’État-nation en France, rappelons qu’à son apogée dans la Révolution française l’État est entièrement contenu dans sa forme nation. La nation, portée à son absolu politique par la révolution, se confond avec l’État et l’État avec la nation. Cette fusion politique, organisationnelle et idéologique constitue une unité supérieure qui combat toutes les forces qui menacent son unité. Une unité à la fois matérielle et idéelle qui se pose comme sacrée et qui appelle un culte. Le culte de L’Être suprême robespierriste n’est rien d’autre que le culte de l’État-nation comme unité supérieure  ; comme entité transcendante à la société et qui la domine. Ce culte de l’Être suprême dont Robespierre s’est auto-institué Grand prêtre, est emblématique d’une divinisation de l’État. La parousie de la prophétie hégélienne sur l’universalité absolue de l’État3 réalisée en quelque sorte…

Alors qu’elle a disparu avec la société bourgeoise et son État-nation, ce qui est aujourd’hui nommé par la sphère médiatico-politique «  société civile  », n’est qu’une manière de qualifier les milieux qui ne sont pas directement impliqués dans la sphère politico-étatique. Des milieux qui ne peuvent pas être assimilés4 à ce qu’était la classe bourgeoise historique. La classe bourgeoise historique qui seule a donné forme et contenu politique à ce qu’a été le rapport entre la société civile et l’État-nation. Le cycle historique de la dialectique des classes étant achevé, l’État nation s’étant globalisé et désinstitutionnalisé, parler aujourd’hui de «  société civile  » ne peut qu’être pour les uns nostalgie de la société bourgeoise, pour les autres résistance du «  peuple  » au supposé despotisme d’un État-nation absolutiste. Deux fictions politiques qui perdurent encore comme thérapeutique idéologique.

Petit rappel sur l’État sous sa forme réseau

Approchée successivement et parallèlement à travers le cas de l’École5, de la décentralisation, des stratégies globales de pouvoir6, de résorption des médiations institutionnelles7, de souveraineté8, de genèse de l’État9, de systèmes fluidiques10, de politique du genre11, de plateformisation de l’économie12, de révolution du capital13, la notion d’État sous la forme réseau s’est peu à peu formalisée sans pour autant se dogmatiser dans les écrits de Temps critiques.

Davantage que les interrogations théoriques ou l’indifférence pratique que cette notion a rencontrées, ce sont les évènements eux-mêmes de ces toutes dernières années qui nous incitent à approfondir la caractérisation de l’État dans le moment actuel. Parmi eux, les deux épisodes historiques majeurs que furent — et que sont encore — le mouvement des Gilets jaunes et l’épidémie de Corona virus constituent de véritables analyseurs du rapport tendu et critique que l’État entretient entre sa forme nation et sa forme réseau.

Quelques apories marxistes sur l’État aujourd’hui

La plupart des écrits et des discours marxistes d’aujourd’hui à propos de l’État s’en tiennent à la définition orthodoxe sur sa «  nature de classe  ». Unité politique supérieure issue de la société mais séparée d’elle et la dominant, l’État impose la mystification de la défense des intérêts communs et généraux de la nation alors qu’il défend les intérêts particuliers de la classe possédante  : la classe bourgeoise. Les interventions politiques, économiques, sociales, culturelles de l’État visent à réguler ou à réprimer les luttes de classe et comme telles, elles ne sont que des moyens pour préserver les pouvoirs nationaux et mondiaux d’une oligarchie.

Bernard Vasseur14, un philosophe proche du PCF exprime aujourd’hui cette conception classiste de l’État en ces termes  : «  Les États sont donc bien toujours soumis aux classes propriétaires, même s’ils font tout pour le nier. (…) Et si l’on veut vraiment comparer les époques, on dira que le capitalisme mondialisé d’aujourd’hui, c’est une oligarchie qui entend se réserver le pouvoir de décider ce que doit être la société des humains et qui est plus restreinte en nombre que ne l’était la noblesse au 18e siècle  ».

À plusieurs reprises et depuis de nombreuses années, nous avons cherché à montrer que cette conception d’un État oligarchique qui défend les intérêts d’une ultra minorité de possédants ne rend pas compte de la réalité des rapports sociaux contemporains.

Par exemple, le slogan «  nous sommes les 99 %, ils sont les 1 %  » diffusé par les mouvements des places et des occupations (Occupy Wall Street, Indignados, etc.) au tournant des années 2010, relève de cette conception oligarchique du pouvoir politique et de l’État. Le moins qu’on puisse en dire c’est qu’une telle conception n’a pas contribué au succès de sa critique… Car, comment imaginer que 99 % d’individus supposés exclus du pouvoir politique, dominés par les puissances financières, privés de moyens d’action, dépendants des volontés d’une ultra-minorité omnipotente, ne participent pas d’une manière ou d’une autre, à cette société désignée comme bipolaire  ? N’ont-ils pas cartes bancaires, ordinateurs, voitures, smartphones et pour nombre d’entre eux, appartements, actifs, épargne  ? Ne voyagent-ils pas  ? Ne consomment-ils pas crédits, divertissements et stupéfiants  ? Bref, ces 99 % sont-ils les esclaves des 1 % de maîtres  ?

L’État-nation  : rapports de production et de reproduction

Soumis aux exigences de la «  restructuration  » du capital engendrées par les bouleversements historiques mondiaux des années 65-75, par leurs avancées et (surtout) par leurs échecs, l’État-nation s’est rapproché de la société  ; il s’est fait «  social15  », «  participatif16  », «  démocratique  », «  pédagogue  ». Car il lui était de moins en moins possible d’administrer du haut et du sommet une société de plus en plus atomisée, segmentée, individualisée, particularisée par la capitalisation de toutes les activités humaines. Une société dans laquelle les anciens corps d’État et leurs personnels administratifs ont été convertis (et se sont convertis) en gestionnaires de réseaux, managers de projets, régulateurs de lobbys, coachs d’opérations innovantes, évaluateurs en continu des tâches des autres, auto-contrôleurs de leur propre tâche, etc.

De garant politique et idéologique des rapports de production dans la société de classe, l’État sous sa forme nation s’est converti en mandataire de la reproduction globale des rapports sociaux sur son territoire. C’est parmi d’autres citées supra, une des raisons qui nous ont incités à introduire la notion d’État sous la forme réseau. Une forme combinée à celle de la forme nation.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici une des dernières tentatives marxistes pour tenter de définir l’État comme un mode de production qui se mondialise  ; un mode de production le plus souvent nommé «  capitalisme monopoliste d’État  ». Celle d’Henri Lefebvre, auteur en quatre tomes d’une théorie déterministe et économiciste de l’État17 publiée à la fin des années 1970.

Cette somme théorique, historique, politique contient d’incontestables apports sur L’État dans le monde moderne (titre du tome III). Des apports certes datés, mais qui n’en sont pas moins intéressants car ils marquent l’apogée (et la fin) des tentatives marxistes pour une théorie générale de l’État. Des tentatives, fructueuses parfois, mais sans issue et d’autant plus erratiques qu’une telle théorie n’existe pas chez Marx.

Mentionnons quelques-uns des apports de Lefebvre parmi les plus significatifs  :

– l’État comme «  forme des formes  », comme produisant de l’équivalence et de l’homogénéisation. Au fondement de l’État moderne règne «  le principe d’équivalence  » qui tend à égaliser l’inégal, à identifier le non identique, à réduire les antagonismes de classe et les conflits sociaux pour les intégrer politiquement dans l’ensemble national. La métaforme État engendre et multiplie les formes puis les formes se changent en normes  ; une fois imposées, les normes agissent par imitation pour diffuser la chaîne des équivalences. L’État est un intégrateur  ; il neutralise (ou réprime) l’évènement dans le répétitif, le connu, le continu et le consensus. Il est aussi mystificateur car «  la vérité  », sur laquelle repose la société à savoir le travail et son exploitation qui engendre la plus-value, est occultée par l’État qu’il soit libéral ou stalinien.

– autre apport, l’État comme porteur de la volonté de puissance  : la libido dominandi. Parce qu’il concentre pouvoir politique et puissance économique, judiciaire, policière, militaire, l’État tend à totaliser la société civile divisée et autonomisée. Mais il n’y parvient pas réellement puisque cette rationalité identitaire et identificatrice de l’État rencontre les particularités que sont les antagonismes de classe, les régions, les religions, les cultures, etc. autant de forces différentielles qui résistent ou détournent «  l’abstraction identitaire généralisée  » de l’État.

Mais le concept central et fédérateur de la théorie lefebvrienne de l’État, c’est celui de mode de production étatique (MPE).

Même s’il n’en donne jamais une définition synthétique, il le donne comme une subsomption des formes étatiques qui se sont développées au cours du XXe siècle  ; une sorte de combinaison entre le Parti-État stalinien et chinois18, l’État organique fasciste, l’État-nation démocratique européen, le fédéralisme d’États nord-américain. Il ne s’agit pas d’un État mondial qui s’érige au-dessus des antagonismes de classe et des impérialismes mais «  un système d’États juridiquement équivalents  » (tome 3, p. 257). D’où le choix du concept de mode de production qui pour Lefebvre, exprime le plus justement une forme sociale et historique dans laquelle le rapport entre le procès de production et les forces productives détermine la société. Prenant acte de ce qui est pour lui une généralisation de la forme État (sur la base de l’État-nation), Lefebvre l’adjoint à mode de production ce qui donne  : mode de production étatique.

Dans un livre écrit juste après 1968, La Survie du capitalisme. La reproduction des rapports de production (Anthropos 1973), il partage la critique de l’ouvriérisme et du productivisme dont le mouvement ouvrier était porteur. Il ne cesse de mettre l’accent sur l’importance de la reproduction des rapports sociaux et sur la place centrale qu’occupent les activités technologiques, culturelles, intellectuelles et urbaines dans le mode de production étatique. Y est affirmé que la production n’est plus essentiellement transformation des ressources naturelles par l’exploitation de la force de travail mais qu’elle est aussi production de rapports sociaux.

Lefebvre ne réduit pas son concept de mode de production étatique à la seule production matérielle  ; il affirme à maintes et maintes reprises que «  la production implique la reproduction  »  ; il montre comment une analyse qui s’en tient à la seule production ne peut que conduire à justifier la croissance.

Cependant, en dépit de ces révisions politiques et théoriques au regard du marxisme-léninisme, j’ai montré dans ma préface19 à la troisième édition de ce livre qu’Henri Lefebvre n’abandonne pas pour autant son credo marxiste sur le développement des forces productives. En ce sens, il reste dépendant de l’univers théorique de la critique de l’économie politique et donc au cycle historique des luttes de classe et donc à la définition marxiste de l’État-nation bourgeois. Ce qui le conduit à bâtir son concept de mode de production étatique comme une généralisation planétaire de la forme État-nation  ; comme un «  système des États  » qui tend à faire des États malgré leurs inégalités, les opérateurs de la mondialisation. D’où cette affirmation irréaliste tant elle contredit la réalité de la dynamique du capital se globalisant  : «  À l’échelle planétaire et sur le marché mondial, l’unité n’est plus ni l’entreprise ou la firme mais l’État-nation20  ». Un contre sens historique à nos yeux puisque c’est au contraire en affaiblissant la souveraineté des États-nations que le capital est parvenu (partiellement et dans le chaos) à sa totalisation-globalisation.

Une globalisation qui a contribué l’affaiblissement de la forme État-nation et qui s’est accomplie dans le jeu des puissances économiques, et des politiques financières (le niveau I du capital21) au-dessus et au-delà des États-nations. Tant d’exemples le montrent que s’en est devenu une évidence historique.

Ainsi, la construction de l’Union européenne s’est réalisée comme puissance du capitalisme du sommet aux dépends de la souveraineté des États. En effet, on oublie trop souvent que le principe de la subsidiarité est à la base de la constitution européenne et de ses différents traités. Un principe selon lequel «  dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’UE n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres  ». Donc un principe potentiellement fédérateur d’États-nations qui étaient et restent très divisés sur cette délégation de souveraineté. Un rapport très tendu entre confédéralisme versus souverainisme qui domine l’histoire des pays d’Europe depuis… le Saint-Empire romain germanique  !

Sur ces processus de résorption des institutions de l’État-nation, on pourrait également citer en Europe les poussées indépendantistes écossaises, catalanes, basques, ukrainiennes ou encore au Moyen-Orient et en Afrique des mouvements politico-religieux islamistes qui modifient les frontières des États nations issus de la colonisation. S’agissant de ces derniers, les formes étatiques dont ils sont porteurs et qu’ils tentent d’établir ne sont pas des formes nation mais davantage des formes réseaux combinées à des formes communautaires. En tout cas des formes qu’on ne peut assimiler à des États en formation, ce que certains analystes, à tort, ont nommé des proto-États22.

Les apories anarchistes sur l’État

Les anarchistes veulent se débarrasser de l’État-nation sans percevoir qu’il s’est transformé  ; ce n’est plus l’État-nation bourgeois, celui que critiquait Proudhon.

D’un côté ils souhaitent «  se débarrasser  » des entraves à la liberté que l’État institue, mais d’un autre, ils appellent à davantage de pouvoir de la part des États-nations pour, en vrac, lutter contre le changement climatique, développer des politiques d’accueils des migrants23 ou encore échapper au contrôle étatique du cyberespace et «  inventer, diffuser et enseigner des technologies totalement libres et décentralisées. (…) des technologies développées par les cryptoanarchistes pour… une saine utilisation du web  ». Soit la réalisation de ce qui serait un «  stade anarchiste du capitalisme  » et qu’appellent de leurs vœux les philosophes anticapitalistes et libertaires canadiens dans leur Déclaration d’indépendance monétaire qui vante la puissance émancipatrice des… algorithmes permettant les cryptomonnaies24  !

La contre-dépendance vis-à-vis de l’État est le trait le plus faible de la pensée et de l’action politique anarchiste. L’histoire de l’anarchisme est remplie de ces moments de contre-dépendance qui conjuguent nihilisme théorique et terrorisme pratique. Des activistes de l’action directe violente au XIXe siècle jusqu’aux Black Blocs d’aujourd’hui, l’opposition simple à l’État considéré uniquement comme «  l’État-policier  » peu de choses ont été connotées ou «  dépassées  » par la voie nihiliste anarchiste.

En revanche, les courants alternatifs, collectivistes et communautaires de l’anarchisme historique ont manifesté la force du projet anarchiste. Pensons bien sûr ici aux expériences libertaires des deux derniers siècles aux USA  ; ces «  Utopies américaines25  » si bien comprises et décrites par Ronald Creagh ou encore aux communautés anarchistes des Naturiens26 qui se sont créées dans les campagnes françaises au tournant des XIXe et XXe siècles. Autant de moments politiques et humains porteurs d’un devenir-autre pour l’humanité car, loin d’une opposition simple et contre-dépendante à l’État, leurs initiateurs cherchaient à inventer des modes de vie en commun dans lesquels, en quelque sorte, l’État s’absente.

La globalisation n’est pas un étatisme

Élaboré après les assauts donnés à l’État-nation et ses institutions par les mouvements mondiaux d’insubordination de la fin des années 1960, le concept de mode de production étatique fut un concept mort-né. C’est au moment même où il émerge dans la pensée d’Henri Lefebvre que les conditions historiques vont l’invalider. Rappelons-en ici quelques-unes parmi les plus prépondérantes à propos de la forme État. Nous les avons ressaisies en proposant la notion de révolution du capital27.

Déjà entamée avec la fin de la Guerre froide et la tendance forte au multilatéralisme dans les relations internationales, la désinstitutionnalisation des États-nations s’est accélérée au cours des années 1970/1990, celles du cycle des «  crises  » et des «  restructurations  ».

L’exploitation de la force de travail devient inessentielle dans le procès de valorisation (La valeur sans le travail28). En conséquence, la classe du travail n’est plus porteuse d’un devenir autre pour une société segmentée, particularisée, autonomisée. L’identité ouvrière et sa culture de classe sont effacées par l’homogénéisation des modes de vie. L’État-nation n’apparaît plus comme le représentant du pouvoir de la bourgeoisie  ; il n’est plus le garant des seuls intérêts du capital productif  ; il se fait le garant de toutes les formes de capitaux des plus systémistes jusqu’aux plus subjectifs (cf. le «  capital humain  »).

Les flux de puissance du capitalisme du sommet pénètrent, altèrent ou dissolvent les médiations de l’État-nation. Conjointement, la forme État-nation, ainsi altérée et fluidifiée se globalise dans des alliances entre États, des associations et des traités. La construction puis l’élargissement de l’Union européenne sont un processus emblématique de cette désinstitutionnalisation des États-nations. D’autres organisations, traités et accords internationaux (ALENA, ASEAN, OUA, etc.), qui sont tous emblématiques de la tendance du capital à se totaliser, montrent que la globalisation n’est pas une forme étatiste, qu’elle ne s’est pas réalisée sous une forme étatiste et encore moins, bien, évidemment, sous la forme d’un «  mode de production étatique  ».

La forme nation de l’État a de moins en moins le monopole et la légitimité de l’exercice du pouvoir politique. Les démocraties parlementaires comme les régimes autoritaires sont débordés ou neutralisés par la dynamique du capital global. L’exemple le plus probant est celui des GAFAM, ces puissances techno-économico-idéologico-politiques qui se jouent des tentatives des États pour les contrôler ou les réguler29.

L’État comme métaforme

L’État en général, c’est-à-dire l’État depuis qu’il s’est institué sous sa seconde forme, celle où il est unité supérieure séparée de la société et la dominant, convertit les forces contradictoires de la société en institutions.

Des institutions déterminées par la forme étatique qui fixent les mouvements particuliers de la société dans une forme universelle.

D’une force, l’État fait une forme. Nous l’avons vu supra avec Henri Lefebvre, l’État est une forme de forme  ; une métaforme.

Cette dernière formulation est préférable à celle de forme de forme trop redondante ou encore à celle de supra-forme qui risque de conforter la représentation de l’État comme unité supérieure séparée de la société, alors que nous cherchons à montrer que l’État sous ses deux formes nation et réseau n’est plus, tendanciellement, cette unité supérieure séparée de la société (c’est-à-dire l’État sous sa seconde forme) comme cela a été le cas depuis que le mouvement de la valeur a émergé  ; émergence qu’on peut situer approximativement dans les royaumes-États de Lydie (4000 ans BP).

Cette définition théorique de l’État engendre des conséquences sur les modes d’intervention du pouvoir d’État. En tant que métaforme l’État se protège de la dialectique forme versus contenu. Il fait de son universalité une puissance de contention des particularités qui s’opposent à lui. Lorsqu’il ne parvient pas à les transformer en institutions (nécessairement de forme étatique), l’État cherche à contenir les mouvements porteurs de ce qui est pour lui une négativité. S’il n’y parvient pas, il les réprime. La métaforme État positive le négatif dans l’histoire.

Le mouvement des Gilets jaunes est l’évènement le plus récent qui confirme ce pouvoir étatique de mise en forme d’une force. Les deux composantes État-nation et État-réseau furent alors mises en œuvre  : répression de la négativité politique du mouvement par l’État-nation régalien combiné au dispositif politico-médiatique du «  Grand Débat30  » par l’État-réseau.

Autre exemple de mise en forme étatique d’un particularisme qui s’exprime dans la société  : d’abord le PACS, puis le mariage pour tous. Fortement sollicité par les groupes de pression LGBT et leurs alliés, l’État-nation répond en transformant l’institution traditionnelle du mariage d’abord avec un dispositif contractuel puis avec une légitimation institutionnelle du mariage homosexuel. Mais la réponse de l’État-réseau accompagne cette mise en forme  : l’exaltation d’une parade fluidiste et indéterministe, la Gay Pride. Des autorités de l’État  : Premiers ministres31, des ministres et certains personnels de la fonction publique d’État participent et célèbrent la parade.

L’État-réseau, une métaforme bivalente

En tant que métaforme, l’État sous sa forme réseau est tributaire des technologies numériques et leurs formes en réseau. Par les puissants canaux des opérateurs numériques mondiaux, ces formes réseau dictent leurs normes. Des normes techniques et communicationnelles à tendance oligopolistiques ou monopolistiques qui règnent sur le monde. Le cas de la 5G en France est emblématique de cette mise aux normes des technologies «  innovantes  ». C’est le cas également des formats de communication, des procédures contraignantes des échanges, des supports numériques multiples et polyvalents, etc.

Mais cette dépendance de l’État réseau aux normes générales des systèmes numériques se double d’une intervention de ce même État en faveur des réseaux et des systèmes en réseaux indépendants de lui. Ainsi sont diffusés et imposés par l’État des modes d’action, des dispositifs, des standards, des formats de données, des discours, tous de type réticulaire  : c’est le processus de l’équivalence des formes et de la combinaison des formes qui opère.

Les interventions de l’État sous sa forme réseau s’effectuent donc selon deux composantes  : l’une interne de mise en réseau de grandes fonctions de l’État. Par exemple, le RIE = Le Réseau interministériel de l’État ou encore au Ministère de l’Intérieur, le SIG32  ; l’autre externe qui privilégie et promeut les organisations, les dispositifs, les groupements d’intérêts, les entreprises, les associations, etc. qui ont adopté un mode d’action en réseau.

Sur les deux formes combinées nation et réseau

Bien qu’elle soit fortement altérée et disloquée, il existe encore aujourd’hui une unité de l’État. La thèse que nous argumentons ici sur la forme État-nation et la forme État-réseau n’implique pas une division en quelque sorte «  ontologique  » de l’État. Pour continuer à parler en termes métaphysiques, on pourrait dire que l’État persévère toujours dans son être propre qui est justement de s’approprier des étants particuliers. Mais il le fait selon deux modes opératoires, deux modes d’action  ; ces deux modes d’action nous les qualifions de formes puisque nous avons vu que tout est forme pour l’État et dans l’État  ; une métaforme.

Il convient d’ajouter et d’y insister  : ces deux formes ne sont ni antagoniques ni séparées. Elles ne définissent pas deux types d’États  ; deux catégories ou deux espèces d’États. Elles expriment deux tendances de la métaforme État dans la dynamique chaotique et incertaine du capital.

La formulation la plus appropriée pour caractériser ces deux formes c’est de comprendre qu’elles sont combinées sans pour autant se confondre. Comme combinatoire la forme nation et la forme réseau répondent de manière congruente aux exigences politiques et technologiques du capital. Des exigences qui — cela est tous les jours de plus en plus évident et efficient — adoptent la combinatoire comme modèle au point que quiconque ne peut pas combiner ou se refuse à combiner, se voit écarté de l’existence individuelle et sociale. Par exemple quiconque n’a pas accès à Internet ou à une carte bancaire33, se trouve affaibli socialement.

Car la combinatoire est aujourd’hui le mode opératoire dominant de la dynamique du capital  : combinatoires spatiales entre l’espace vécu concret et l’espace conçu abstrait  ; combinatoires technologiques entre capacités intellectuelles naturelles et intelligence artificielle  ; combinatoires économiques entre le capital industriel et capital dit immatériel  ; combinatoires financières entre actifs immobilisés, actifs circulants et produits dérivés  ; combinatoires cognitives entre compétences individuelles et compétences systémiques  ; combinatoires politiques entre souverainismes et fédéralo-globalisme, etc.

Une dynamique du capital chaotique et discontinue, mais une dynamique malgré tout  ; malgré toutes les prédictions marxistes sur le dépérissement de l’État  ; malgré toutes les volontés libéralo-libertariennes pour un rétrécissement de l’État  ; malgré les à-coups engendrés par les «  crises  » financières, sociales, sanitaires, etc.

Ces deux formes État et nation se combinent en fonction du rapport conflictuel entre les forces globalistes et les forces souverainistes. Ces deux tendances stratégiques opèrent au niveau des États  : la globaliste qui accélère la forme réseau de l’État  ; la souverainiste qui tend à conforter sa forme nation.

Deux formes qui se manifestent à tous les niveaux d’intervention de l’État, du plus circonstanciel et local au plus global.

Du plus local et circonstanciel comme l’a été l’épisode récent d’une rave party dans les Cévennes cet été 2020. Dans un texte intitulé «  Comment l’État-réseau gère sa rave party cévenole34  », j’ai montré comment l’État-réseau laisse s’installer illégalement le lourd dispositif technique du système sonore et ne fait que plus tard contenir l’arrivée de nouveaux ravers alors que l’État-nation condamne et même réprime les habitants, agriculteurs et éleveurs, qui s’opposaient à la dévastation de leurs terres. J’ai interprété cette tolérance de l’État à l’égard de la rave party comme la vérification d’une analogie de forme entre l’État-réseau et la free party.

Au niveau le plus global, l’État intervient aussi en combinant ses deux formes.

L’exemple de la taxation des GAFAM est emblématique de cette recherche par l’État d’un compromis entre nation et réseau. La question politique de la taxation des GAFAM a non seulement fait apparaître des divisions politiques entre membres de l’UE mais aussi au sein de chaque État des divisions entre souverainistes partisans de la forme nation et globalistes partisans de la forme réseau. Les pays du nord de l’Europe, y compris l’Allemagne sont opposés à la taxe car selon eux elle pénalise l’innovation technologique alors que les pays du Sud, la France en tête, cherchent à imposer à l’UE une taxe communautaire. On le sait, le Parlement français a voté une taxe en 2019  ; l’Italie en 2020. Mais la poursuite de cette taxe est subordonnée à l’instauration d’une fiscalité européenne sur les opérateurs numériques qui devrait intervenir en 2021. Les chefs d’État sont eux-mêmes partagés entre la tendance dominante à la globalisation et les réalités souverainistes nationales. Des réalités de la forme nation de l’État qui ne l’ont pas empêché de mettre en œuvre la 5G sur tout le territoire. Taxe des GAFAM d’un côté versus 5G de l’autre  : une illustration emblématique de la combinatoire nation/réseau dans l’État.

L’État-réseau et les niveaux du capital

Clarifions ici une possible confusion que certains de nos interlocuteurs nous ont reprochée. Elle peut se formuler ainsi  : est-ce que la tendance forte à la forme réseau se réalise de la même manière dans le niveau I et le niveau II du capital  ? C’est-à-dire dans l’hyper-capitalisme du sommet (le niveau I) qui s’affranchit des obstacles que les États-nations (le niveau II) dressent sur sa route. Notre réponse est la suivante.

l’hypothèse générale sur la forme réseau dans les niveaux I et II du capital c’est qu’il y a homologie de cette forme-réseau dans chacun des niveaux. Homologie et non pas identité. Une homologie, au sens ordinaire, c’est-à-dire des caractères communs dans l’un ou l’autre des organismes (ou de l’espèce ou du niveau) concernés. Autrement dit la tendance à la forme réseau opère de la même manière dans les deux niveaux. Ce qui diffère cependant c’est que dans le niveau I du capital les composantes étatiques nationales sont secondarisées par rapport aux composantes liées à la globalisation.

L’État-réseau domine mais il ne règne pas.

Contrairement à l’État-nation qui domine et qui règne, l’État-réseau domine mais ne règne pas. Commençons à expliciter cela quelque peu, car nous y reviendrons dans des étapes ultérieures à la présente démarche.

Que la domination et le règne de l’État-nation soient constitutifs de l’histoire de la France depuis son émergence avec la Révolution française, voilà une réalité qui n’appelle aucune preuve supplémentaire. La dialectique État/Société civile s’est poursuivie tout au long de la société bourgeoise jusqu’aux profonds bouleversements politiques, sociaux, culturels des années 65-70. Cette dialectique n’opère plus aujourd’hui. Le long cycle historique de la domination bourgeoise est définitivement achevé.

Disparue avec la société bourgeoise et son État-nation, ce qui est aujourd’hui nommé par la sphère médiatico-politique «  société civile  » n’est qu’une manière de qualifier des milieux qui ne sont pas directement impliqués dans la sphère politico-étatique. Des milieux qui ne peuvent pas être assimilés35 à ce qu’était la classe bourgeoise historique. Des milieux sociaux divers (d’où l’idéologie de «  la diversité  ») desquels proviennent des individus que les forces politiques impliquées dans le pouvoir d’État font entrer dans la sphère politico-médiatique.

La classe bourgeoise historique seule a donné forme et contenu politique à ce qu’a été le rapport entre la société civile et l’État-nation. Le cycle historique de la dialectique des classes étant achevé, l’État nation s’étant globalisé et désinstitutionnalisé, parler aujourd’hui de «  société civile  » ne rend pas compte de la réalité politique d’aujourd’hui.

Dans sa période historique triomphante, l’État-nation non seulement dominait la société mais il exerçait cette domination avec un pouvoir totalisant (ce qui n’implique pas qu’il soit forcément totalitaire) et unifiant. Toutes les institutions étaient largement déterminées par cette double administration des hommes et des choses. De la famille, de la propriété, de l’instruction, des communes, de la culture à l’État, la forme étatique nationale irriguait et prévalait sur les autres formes de groupements. Cette domination et cette administration de l’État-nation, sous l’emblème du «  Pacte républicain  », cherchaient en permanence à faire passer dans sa forme, à mettre en forme étatico-compatible les forces particularistes qui s’opposaient ou résistaient à son universalisation. Une puissance universalisante qui visait à englober dans son monde les antagonismes, les conflictualités, les fractionnismes sociaux, culturels, religieux, territoriaux, qui se manifestaient en dehors ou contre lui.

En bref, l’État-nation dans la société de classe fondait sa domination et son pouvoir sur sa capacité idéologique et politique à maintenir à tout prix un semblant d’unité de la nation. Et à se maintenir comme unité supérieure. Et l’on connaît les heurs et les malheurs de cette histoire…

Nous sommes désormais entrés dans un cycle historique qui n’est plus celui de l’État-nation et de la société civile. Il n’est plus non plus celui de la post-modernité, de ses «  déconstructions  », de ses «  déceptions  » et de ses parodies. Il est celui de ce que nous avons nommé la société capitalisée  ; celui d’un État qui combine une forme nation et une forme réseau. Nous l’avons vu supra, des tensions se manifestent entre ces deux formes. Les rapports parfois intenses entre ces deux formes sont toutefois déterminés par la force unificatrice de l’État… malgré tout.

 

Énumérons quelques caractères décisifs qui singularisent la forme réseau de l’État et qui nous incitent à avancer cette thèse  : l’État sous sa forme réseau domine mais il ne règne pas.

Par sa puissance technologique, stratégique, financière, l’État-réseau incite les individus-démocratiques, atomisés et autonomisés à participer aux flux numériques de toutes sortes qui circulent de toute part. Il ne cherche pas à les conformer dans une unité supérieure nationale, européenne ou mondiale  ; il les gère en tant que particuliers et ne les identifie que comme tels. Il les veut totalisés mais séparés. Il favorise les séparations, toutes les espèces de séparations… à condition qu’elles restent compatibles avec leur totalisation dans la société capitalisée.

En ce sens, l’État-réseau épouse et souvent anticipe les tendances de la dynamique du capital à la division, à la séparation, à la particularisation, à la dissolution. Séparation hommes/femmes  ; parents/enfants  ; jeunes/vieux  ; noirs/blancs  ; religieux/athées  ; urbains/ruraux  ; actifs/chômeurs  ; régionaux/nationaux.

 

Autant de divisions et de séparations qui contribuent à la domination de l’État-réseau comme opérateur de la dynamique globale du capital. Une domination horizontalisée, déhiérarchisée, particularisée, mais qui n’en exerce pas moins un pouvoir hégémonique et normatif.

 

Jacques Guigou, octobre 2020

Notes

1 – Dans un entretien à Libération daté du 13 mai 2005 (disponible sur le site de Multitudes : https://www.multitudes.net/oui-pour-faire-disparai tre-cette/), Toni Negri appelle à voter oui au référendum sur le traité de Constitution européenne. Il défend son choix en avançant qu’il faut voter oui «  pour faire disparaître cette merde d’État-nation  » et que «  le prolétariat européen a intérêt à l’Europe unie  » car «  seule la Constitution européenne, malgré ses défauts et ses manques, peut permettre de bâtir des alternatives globales pour ce que j’appelle les multitudes, les mouvements de résistance à l’Empire  ». Et le post-opéraïste de conclure «  Il faut être pragmatique… Je ne suis pas devenu un vieux con libéral, je suis un révolutionnaire réaliste  ».

2 – J. Guigou, «  L’État réseau et la genèse de l’État. Notes préliminaires  », Temps critiques, no 15 : [http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article291]

3 – «  Pour Hegel, la résolution du différend entre privé et public doit être tranchée en faveur du public universel  : de l’État, qui n’est pas loin pour lui, d’être le nom de l’Église laïcisée et pleinement réalisée  : donc de Dieu  », écrit avec justesse Mehdi Belhaj Kacem dans Système du pléonectique, Diaphanes, coll. «  Anarchies  », 2020, p. 441.

4 – C’est, entre autres argumentaires, ce que montre l’article de Jacques Wajnsztejn «  État et “société civile”  » dans le présent numéro.

5 – «  L’État-nation n’est plus éducateur. L’État-réseau particularise l’École. Un traitement au cas par cas  ». Temps critiques, suppl. au no 11, L’impliqué, 2002.

6 – J. Wajnsztejn «  Réseau et/ou oligarchie  : les voies impénétrables de la domination du capital  », Temps critiques, no 16, printemps 2012, p. 149-161.

7 – J. Guigou «  L’institution résorbée  », Temps critiques, no 12, hiver 2001, p. 63-88.

8 – J. Wajnsztejn «  État-réseau et souveraineté  », Temps critiques, no 18, automne 2016, p. 3-61.

9 – J. Guigou «  L’État-réseau et la genèse de l’État. Notes préliminaires  », Temps critiques no 16, printemps 2012, p. 135-147.

10 – B. Pasobrola «  Systèmes fluidiques et société connexionniste  », Temps critiques, no 16, printemps 2012, p. 39-83.

11 – «  État-réseau et politique du genre. L’exemple des ABC de l’égalité  », Interventions, no 12, novembre 2014.

12 – «  La crise sanitaire et son économie  ». Site de Temps critiques.

13 – J. Wajnsztejn, Après la révolution du capital, Paris, L’Harmattan, 2007.

14 – Bernard Vasseur, Quel retour à Marx : c’est quoi le marxisme aujourd’hui ? Conférence donnée à l’Espace Marx 60, le 26 octobre 2017.

15 – Sur les caractères de cet État se faisant «  social  », voir le no 10 de Temps critiques (Printemps 1998), intitulé  : «  L’État  : vers le tout social  » [http://tempscritiques.free.fr/spip.php?rubrique30]. Sur le passage de l’État social à l’État sociétal, voir l’article de Jacques Wajnsztejn dans le présent numéro.

16 – Une sorte de réalisation parodique de la «  participation  » version gaulliste que le référendum d’avril 1969 avait proposée aux Français comme antidote à la «  chienlit  » de Mai-68.

17 – Henri Lefebvre, De l’État, Paris, UGE, coll. «  10/18 », 4 vol., 1976-1978.

18 – Selon Henri Lefebvre, l’État en Chine «  accomplit l’idéal stalinien de l’État, mais il se transforme en s’accomplissant  ». Alors que l’État stalinien voilait les contradictions du pays ou tentait de les résoudre par la répression, l’État chinois, parce qu’il identifie les hiérarchies administratives, militaires et politiques «  offre l’image d’un MPE accompli  » (De l’État, tome 3, p. 371). Une vision unifiante de l’État en Chine de type «  capitalisme national d’État  » qui fait peu de cas de la puissance étatico-technologique chinoise et de sa capacité à agir sous la forme réseau.

19 – J. Guigou, Préface au livre d’Henri Lefebvre, La survie du capitalisme. La reproduction des rapports de production (Paris, Anthropos, 2002)  : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article183.

20 – Henri Lefebvre, De l’État, tome 3, p. 260.

21 – Pour une explicitation de notre analyse du capital en trois niveaux, voir «  Quelques précisions sur capitalisme, capital, société capitalisée  » [http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article206], Temps critiques, no 15, hiver 2010.

22 – Dans un texte de l’année 2000, intitulé «  Al-Qaeda, un proto-État  ? Confusions et méprises  »  : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article181 in, Violences et globalisation, anthologie III de Temps critiques, Paris, L’Harmattan, 2004, j’ai critiqué cette référence étatique qui est étrangère à l’univers islamiste. C’est davantage une communauté despotique que ces forces tentent d’imposer.

23 – «  De la même manière, les phénomènes migratoires échappent globalement aux régulations nationales, malgré les efforts déployés par les pays du Nord pour empêcher les migrants de venir. Le refus de mettre en place des politiques d’accueil est une autre faillite de ces États-nations qui nient leurs responsabilités historiques  : guerres, impérialismes militaires ou économiques…  » in «  Pour un anarchisme du XXIe siècle  » sur le site de la Fédération anarchiste  : https://federation-anarchiste.org/?g=FA_anarch isme.

24 – En 2018, dans un texte intitulé «  In algorythm we trust  » [http://blog.tempscritiques.net/archives/2098?highlight=in%20algorythm%20we%20trsut#more-2098], nous avons critiqué cette croyance libertaire en une conversion possible de la puissance technologique du numérique qui, par la vertu de quelques habiles détournements, de dominatrice deviendrait émancipatrice.

25 – Ronald Creagh, Utopies américaines. Expériences libertaires du XIXe siècle à nos jours, Agone, 2009.

26 – Cf. «  Naturiens, végétariens, végétaliens et crudivégétaliens dans le mouvement anarchiste français (1895-1928) », Invariance, supplément au no 9, série IV, juillet 1992.

27 – Cf. http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article394.

28 – Cf. La valeur sans le travail, Anthologie III de Temps critiques, Paris, L’Harmattan, 1999, sous la direction de J. Guigou et J. Wajnsztejn  : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?livre2

29 – Dans mon échange avec Larry Cohen sur [http://blog.tempscriti ques.net/?s=Amazon] j’ai analysé la stratégie d’Amazon dans le conflit qui l’a opposé aux salariés de ses plateformes. Comment le groupe a contourné les effets de la grève sur la paralysie de ses commandes en passant par ses plateformes encore en activité dans les pays limitrophes. Comment il s’est affranchi des contraintes imposées par la politique sanitaire de l’État français sous sa forme nation.

30 – Forme réticulaire s’il en est, le dispositif politico-médiatique du «  Grand Débat  » s’est déployé comme la multiplication de la forme-débat sur les plateaux de télévision. Comme tel, sa seule portée, s’il faut lui en trouver une, fut une mystification idéologique et une tentative d’anesthésie sociale.

31 – Cf. «  La première ministre serbe, lesbienne, attendue à la Gay Pride de Belgrade  »  : https://www.ladepeche.fr/article/2017/09/17/2647020-pre miere-ministre-serbe-lesbienne-attendue-gay-pride-belgrade.html

Et aussi «  Le Premier ministre canadien à la Gay Pride de Montréal  »  : https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/justin-trudeau-et-la-classe-politique-canadienne-a-la-gay-pride-de-montreal_1821341.html

Le ministre Jack Lang à la Gay Pride de Paris, etc., etc.

32 – Le Service d’information du Gouvernement (SIG) accompagne les services déconcentrés de l’État dans les préfectures dans leur stratégie de numérisation de leur communication vers les usagers.

33 – Plusieurs banques en ligne offrent aux jeunes et aux mineurs un compte et sa carte bancaire gratuitement avec une prime d’entrée de plusieurs dizaines d’euros. De la même manière et pour les mêmes objectifs, les mêmes banques en ligne offrent sans frais à quiconque l’ouverture immédiate d’un compte muni de sa carte bancaire.

34 – Texte disponible en ligne sur le blog de Temps critiques : http://blog.tempscritiques.net/

35 – C’est, entre autres argumentaires, ce que montre l’article de Jacques Wajnsztejn «  État et “société civile”  » dans le présent numéro.