Vous l’avons affirmé dès la première période de Temps critiques (1990-1998), la référence à un « sujet historique », qu’il soit nation ou classe, pour sortir du capitalisme n’a plus de portée politique aujourd’hui. L’échec des mouvements mondiaux d’insubordination et de refus du monde du capital et de l’État qui se sont manifestés dans la décennie 1965-1975 sur quasiment toute la planète, a rendu impossible une nouvelle mise en continuité avec les révolutions prolétariennes antérieures. Le (…)
Numéro 19 — (Automne 2018)
De la nature des luttes actuelles
Coups et à-coups de la capitalisation
Une critique des poétiques révolutionnaires
Table des matières
Le mouvement du Tous ensemble de 1995 a été la dernière représentation d’une lutte collective au-delà de la stricte perspective classiste, mais sans qu’affleure une tension vers la communauté humaine puisque le mouvement est resté centré sur la défense de la condition salariale à travers le refus de la réforme de la Sécurité sociale, pilier du mode de régulation fordiste des conflits de classes. Si référence communautaire il y eut, ce n’était que celle de la communauté du travail encore (…)
À l’heure où les luttes particularistes contre toutes les discriminations viennent se substituer, dans une perspective post-moderne, aux anciennes luttes universalistes pour l’égalité, il est curieux de voir resurgir une polémique à l’ancienne sur la détermination du salaire alors que semblent dominer les interrogations autour de la distribution des revenus (partage des richesses, revenu garanti). Ainsi, l’article « Immigration contre salaires : une vision partielle et biaisée », de Romaric (…)
Certains se souviennent sans doute de l’existence de débats au sortir des contre-sommets (g8, omc, wef, fmi, etc.) à propos de la forme d’intervention des blacks blocs (bb), branche « radicale » de ces rassemblements et qui a marqué de son empreinte (et pas celles des bottes des carabinieri à Gênes) les pratiques militantes autour de « l’altermondialisation ». Cela se situait après les années 90, la fin de l’histoire pour certains, avec le triomphe du capitalisme et pas d’ouverture politique (…)
L’insurrection qui vient tardant à se manifester, il fallait réactiver la prophétie de l’émeute et signifier qu’elle est désormais primordiale. La prophétie, qui arrive cette fois de Californie, est énoncée par un universitaire doublé d’un militant des actions Occupy : Joshua Clover. Si l’on en croit un entretien avec l’auteur de L’émeute prime (Entremonde, 2018) lisible en ligne, Clover cherche à réhabiliter les émeutes comme forme de lutte politique à part entière. Les réhabiliter dit-il, (…)
La notion de lumpenprolétariat Le terme ne fait pas partie du langage de formation de Marx. En effet, dans les écrits de jeunesse sa référence à ce sujet est encore Feuerbach pour qui « seul l’être nécessiteux est l’être nécessaire ». Marx développa lui-même cette approche dans ses écrits de jeunesse, tels que les Manuscrits de 1844 : « La pauvreté est le lien passif qui fait ressentir aux hommes la richesse la plus grande : l’autre homme ». C’est une vision dans la lignée universaliste (…)
Capitalisation et reproduction rétrécie sont deux notions que nous avons développées dans des textes précédents, mais sans toujours les relier entre elles. De récents articles parus dans la presse, à propos de la priorité qui serait accordée par les grandes firmes aux actionnaires et aux pratiques de fusions/acquisitions dans la phase actuelle nous permettent de revenir préciser ce point1. Tous ces articles de presse lancent un cri d’alarme à la crise parce que l’économie actuelle (prise (…)
Marx a rétréci la totalité de la vie sociale en la réduisant à l’activité productive des hommes et ce faisant en posant le travail comme activité générique aliénée en oubliant l’activité en général, la passion de l’activité. L’une des conséquences de cette démarche est de poser la technique comme un pouvoir de cette activité productive sur la matière et donc sur ce que l’on nomme « la nature » dont nous nous éloignons forcément dans une distanciation par rapport à ce que nous appelons (…)
Au cours des révolutions modernes, des poètes se sont mis « au service » des divers pouvoirs révolutionnaires. De Chénier à Lamartine, de Pottier à Maïakovski, de Breton à D’Annunzio, de Senghor à Sénac, ils ont célébré les nouvelles puissances politiques issues des bouleversements historiques de la modernité, qu’elles soient triomphantes ou vaincues. Et ils l’ont fait, le plus souvent, dans une poétique révolutionnaire qui était contre-dépendante des figures de la période qui s’achevait. Leur idéologie du service les a tenus éloignés du devenir-autre de la poésie ; de la poésie qui cherchait sa voix avec et contre les bouleversements révolutionnaires qui parachevaient la fin d’une époque et qui en ouvraient une nouvelle. Chantres officiels, guillotinés ou « suicidés », leurs vies et leurs œuvres expriment l’écart devenant visible entre les victoires ou les échecs des révolutions dans lesquelles ils furent impliqués et l’impossible devenir poésie de ces mêmes bouleversements historiques.