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Retraites à vau-l’eau et vies par défaut, contre le capital : assaut !

par Temps critiques

Comme Jospin répondant au mouvement des chômeurs de fin 1997 début 1998 en disant que la société doit être fondée sur le travail et non pas sur l’assistance1, Raffarin, Fillon et le medef nous disent aujourd’hui qu’il faudra travailler plus puisque nous vivons plus longtemps. Comment dire plus abruptement que le système de retraite n’est viable que tant que les individus n’en profitent pas ou peu longtemps ? Et effectivement, le système mis en place à l’orée des « Trente Glorieuses » fonctionnait sur un parfait cynisme : en dehors de la fonction publique et de ses régimes spéciaux, la retraite à 65 ans s’appliquait à des ouvriers (40 à 50% de la population active à l’époque) dont la durée de vie moyenne s’arrêtait aux alentours de 60 ans ! Pour beaucoup, « la mort au travail » était le seul mérite ouvrant paradoxalement au droit à la retraite2. La retraite devait se mériter par toute la peine du monde, même si la lutte séculaire pour l’abaissement du temps de travail pouvait aussi conduire à l’abaissement de l’âge de la retraite (passage à 60 ans en 1981). Mais aujourd’hui, dans le cadre de notre société vieillissante et hédoniste, la retraite apparaît comme la chance d’une nouvelle vie et non plus comme une récompense pour service rendu. La retraite désigne alors l’espoir d’une vie au-delà du travail dit socialement nécessaire et défendre la retraite revient à affirmer que le sens de notre existence ne se réduit pas à ce travail : nous voulons justement la retraite pour ne pas crever3 au boulot. C’est un peu comme si la critique prolétarienne du travail amorcée dans les grandes luttes de la fin des années 60-70 mais déclinante à partir de la restructuration des rapports sociaux de la fin des années 70-début 80, s’était repliée sur la défense des retraites ; comme si le temps de la retraite permettait de prendre de la distance critique — et donc de combattre, mais combattre par défaut puisqu’on est devenu « inactif » — vis à vis cette activité professionnelle que le capital a attaquée non seulement en liquidant des masses de force de travail mais aussi en épuisant la centralité du travail.

Dès lors, que nous dit le nouveau projet de réforme des retraites ? Qu’il faudra travailler plus longtemps ou alors accepter une diminution des pensions ou même, dans une version plus radicale : travailler davantage pour une retraite moindre. Dans tous les cas, il s’agit de prendre acte que le Progrès n’engendre plus forcément le progrès social4. Ce qui est masqué par ce discours, c’est la crise du travail et le discours du capital qui énonce que le travail est toujours au centre de la société alors que dans la pratique il le détruit de plus en plus. C’est en effet le même medef qui pousse à la radicalisation de la réforme et qui exige à la fois le passage aux 40 annuités de cotisation et le développement effréné des systèmes de pré-retraite dans le secteur privé. Dans certaines branches, de grosses entreprises envisagent d’abaisser jusqu’à 50 ans5 l’âge de départ de leur personnel, non seulement parce qu’elles ne veulent plus de la vieille force de travail, mais parce que celle-ci est partout surnuméraire. Tous les partants ne seront pas remplacés et le dégraissage se fera ainsi en douceur. Quand nous disons surnuméraire, c’est bien entendu par rapport aux nécessités de la valorisation qu’il faut le comprendre. Contrairement à ce que pensent Attac et tous les tenants du social contre l’économie, le capital n’a pas vocation à la philanthropie et quand il accorde des avantages, c’est toujours dans le cadre d’un certain rapport de force et devant la nécessité de reproduire les rapports sociaux qui l’engendrent. Si aujourd’hui, le rapport de force est si défavorable aux travailleurs salariés6, ce n’est pas parce qu’une offensive des méchants néo-libéraux aurait été lancée contre eux depuis l’ère Thatcher-Reagan, mais parce qu’ils ne sont plus au centre du procès de valorisation. Si à certains moments (1979 et début des années 80) et en certains endroits (mines anglaises, sidérurgie française) cela a pu prendre l’allure du combat de classes, c’est qu’il s’agissait encore de réduire les dernières poches de résistance liées à l’ancien antagonisme de classe dans le procès de production.

La production de « richesses » dépend de moins en moins d’un travail vivant de plus en plus remplacé par le travail passé (le capital fixe : les machines, et les flux informationnels) et la valorisation se réalise toujours plus en dehors de la stricte sphère productive. C’est d’ailleurs pour cette raison que des voix s’élèvent parfois pour faire cotiser les machines quand elles remplacent le travail vivant. Ce n’est toutefois pas une solution capitaliste puisque cela reviendrait à limiter le processus de substitution capital/travail qui est à la base des gains de productivité. Une telle perspective nécessiterait au minimum une stabilisation du cycle actuel de croissance dans le sens d’un accroissement de la taille des marchés, limitant la guerre économique pour les parts de marché. Or nous sommes plutôt dans une phase déflationniste qui produit l’effet inverse : la guerre de tous contre tous7.

Le travail a donc surtout, aujourd’hui, une valeur idéologique et disciplinaire : les métiers sont détruits et les emplois se multiplient quand même ! Si on entend par « travail humainement nécessaire », cette partie de l’activité humaine, évidemment coordonnée, qui permet la vie de l’espèce et son bien être, une fois un certain seuil technique atteint, celle-ci n’occupe plus qu’une partie assez limitée du travail effectif des individus, alors qu’on impose toujours plus de nouveaux types d’emplois au rôle principalement bureaucratique ou social ou directement répressif.

Alors qu’il existe déjà, au moins dans les pays dominants, tous les présupposés matériels et intellectuels pour une vie riche et agréable, le Pouvoir cherche à maintenir l’idéologie de la rareté et donc celle du travail8 pendant que le capital s’évertue à créer de nouveaux besoins et à les transformer en produits, en emplois. Bien malin alors qui peut déterminer quel travail est vraiment encore nécessaire et il devient donc très facile de créer et détruire des emplois qui n’ont d’autres finalités que de permettre la reproduction des rapports sociaux par le traitement social du chômage et de « l’insécurité ». On en a un exemple concret avec les « emplois-jeunes » qui ont partout été dénoncés à leur mise en place comme de faux emplois et qui sont aujourd’hui défendus par ceux-là même qui les critiquaient maintenant que l’État veut les supprimer. Il est impossible de sortir de ce genre de dilemme et donc d’une défense de principe de catégories artificiellement créées sans poser globalement la question du travail et donc du sens des activités humaines.

A la production pour la production de la phase progressiste du capitalisme (c’est le travail ou plus exactement la force de travail qui produit la richesse) a succédé la reproduction pour la reproduction dans laquelle c’est le sens même de l’activité qui se perd (c’est la richesse à qui on demande de produire des emplois comme le laisse entendre la ritournelle sur « l’entreprise citoyenne »). Alors à quoi rime ce théâtre de marionnettes où s’affichent gouvernement et syndicats discutant avec animation, mais méthode, pour savoir si 37,5 années sont suffisantes ou bien si, finalement, il en faut au moins 40 et à terme 42, alors que tous disent être d’accord sur la nécessité d’une réforme… dans ce cadre absurde d’un travail imposé au contenu de plus en plus flou, évanescent, voire insensé ?

Tous sont d’accord pour faire des efforts, à condition de les partager, tous sont d’accord pour assainir une économie « malade » alors qu’il est évident que la maladie est dans le système capitaliste lui-même. Comme à l’époque de Juppé et de la réforme de la Sécurité Sociale en 1995, comme en 2000 avec le dangereux provocateur Allègre, on nous ressort que c’est un problème de communication, que certains syndicats se disent choqués par la méthode, par les erreurs de Ferry car enfin, il y a manière et manière. On demande de vraies négociations alors que la « nécessité » de la réforme oblitère toute négociation en la transformant en de sinistres comptes d’apothicaires quant aux conditions de notre survie. Pour ne prendre qu’un exemple, quand les syndicats et le gouvernement discutent à perte de vue pour savoir si on ne pourrait pas faire un petit quelque chose pour ceux qui ont un travail dur et qui ont commencé à travailler à 14 ou 16 ans, on ne peut mieux exprimer combien l’extorsion de sueur et d’intelligence a peu servi à l’édification d’un progrès social dont on nous a pourtant rebattu les oreilles.

Il s’agit d’affirmer notre existence plutôt que leur retraite en échange de toute une vie au travail et pour le capital. Et de l’affirmer maintenant, à un moment où la crise du travail induit une altération du modèle classique du salariat tel qu’on l’a connu dans les deux premiers tiers du xxe siècle ; un salariat qui universalisait une certaine condition sociale et unifiait, malgré les différences, la plus grande partie des travailleurs (cf. l’image de la « forteresse ouvrière »). En effet, aujourd’hui, il n’est plus que la structure externe d’un rapport social qui a tendance à perdre sa substance. Les « plans sociaux » succèdent aux « plans sociaux », mais le capital ne sait pas comment occuper ses chômeurs et rêve de transformer les RMistes en RMastes ! Il produit des individus dépossédés de tout, c’est-à-dire même de l’espoir d’un travail et donc d’une retraite. Contre ce processus, il s’agit donc d’affirmer une vie humaine qui n’est pas réductible à une identification : au service public ou à une professionnalité comme ce fut encore affirmé par les mouvements de 1986 et de 1995 (mais ce fut aussi leur limite), ce qui ne veut pas dire que cette vie est désincarnée. Elle est bien inscrite dans des rapports sociaux même si elle n’est plus organisée uniquement à partir du travail mais aussi dans des activités dont certaines échappent, encore, non seulement à la marchandisation des activités, mais aussi à l’inscription dans les structures du système de reproduction capitaliste : réseaux d’entraide, associations non subventionnées, « lieux de vie » et d’alternatives diverses. Il ne s’agit pas de les mythifier, mais de reconnaître leur existence et rôle dans la désintégration des rapports sociaux capitalisés.

C’est paradoxalement ce que semble soulever l’appel à la grève générale qui, cette fois, dépasse le cercle étroit des spécialistes et propriétaires du slogan. Plus que la défense de quelque chose, par exemple du service public, il manifeste la nécessité d’un blocage général parce que la situation serait encore plus grave qu’en 1995. Et quand on parle de blocage, il ne s’agit pas seulement d’une référence au blocage de la production (plus personne n’y croit vraiment comme arme absolue et encore moins comme possibilité, et surtout pas les travailleurs « à la production » qui sont bien placés pour voir comment celle-ci s’est transformée et en quoi elle leur échappe encore plus), mais d’un blocage dans lequel chacun à sa place pourrait avoir un rôle, comme parent, comme salarié, comme consommateur, comme retraité, etc. Il ne fait pas de doute que certains mouvements de ces dernières années : unité parents-enseignants-élèves dans les luttes scolaires depuis 1998, lutte contre les ogm et la « malbouffe » et enfin mouvement anti-globalisation, ont joué un rôle dans l’idée que cela ne pouvait plus continuer ainsi, mais cela reste au niveau de l’idée et se situe en dehors de toute perspective aussi bien pratique que théorique et politique. Ainsi, on n’a pas entendu, dans les manifestations actuelles, d’appel à convergence avec l’anti-g8 d’Evian, même à Lyon où pourtant se réunissait un des principaux collectifs « altermondialisation »9.

Pour que la grève générale ne soit pas qu’un simple slogan ou une soupape de sécurité ponctuelle, il faut créer les conditions d’une lutte contre la logique même de ce système ; une lutte qui mette en question tous ses rapports constitutifs : travail/revenu, capital/travail, travail/activité, social/politique, articulation local/national/mondial, rapport à la nature10.

Le mouvement n’en est pas encore là. Comme en 1995 il critique la domination du « tout économique », mais visiblement, ce n’est plus que le fait de la base, la direction de la cgt ayant rejoint pratiquement la position sur la nécessité de la réforme11. Quant au niveau politique il affleure par la bande. En effet, la particularité des élections de 2002 fait que si le pouvoir de Chirac garde une certaine légitimité, encore renforcée par sa position sur l’Irak, son gouvernement n’en a aucune car il paraît avoir volé la victoire à son chef. D’où la passe d’armes entre manifestants scandant « le pouvoir est dans la rue » et le Premier ministre venant rappeler que justement non, le pouvoir n’était pas dans la rue, mais au parlement. Ce fait ne peut que désinhiber le mouvement et l’inciter à ne pas rester sur la défensive, à exiger au moins, de manière non négociable, le retour aux 37,5 annuités pour tous.

Mais tout cela reste gros de fausse conscience, même par rapport au mouvement de 1995 qui exprimait un rapport contradictoire à l’État, celui-ci étant à la fois garant du service public et incapable de maintenir sa mission. Or, à travers sa position contre la décentralisation, le mouvement actuel se montre encore plus dépendant de l’État. Ressentant la régionalisation comme une crise de l’État-nation républicain, le mouvement, surtout enseignant, se bloque sur des symboles12 qui ne sont déjà plus des représentations adéquates d’une école qui n’est pas celle des années 60/70, celle du passage de l’école de classe à l’école de masse. Est-il pertinent d’avancer que la décentralisation contiendrait un risque d’accroissement de l’inégalité sociale entre d’un côté une dévalorisation de l’enseignement ouvrant vers une école à deux vitesses avec un secteur public sacrifié où sévirait la garderie et de l’autre, le fait que par la régionalisation l’école s’adapterait à l’entreprise ? Cette hypothèse n’est pas recevable, ni d’un point de vue gestionnaire (la première décentralisation des années 80, déjà critiquée sur cette base avec la remise aux départements et régions de l’équipement et de l’entretien des collèges et lycées n’aurait pas en elle-même accru les inégalités)13 ; ni d’un point de vue politique : l’école reste un enjeu politique, même pour un État-nation en crise ; ni d’un point de vue économique : comme nous l’avons dit plus haut, il n’y a plus rien à adapter à l’entreprise quand la force de travail est de plus en plus inessentielle et que les qualifications individuelles s’effacent devant une demande de qualification sociale qui ne nécessite qu’un petit peu de « culture commune »14 et une formation sur le tas en deux jours. S’il se met bien en place une certaine professionnalisation des cursus et des diplômes, c’est bien plus d’une adaptation au consumérisme d’une partie des étudiants dont il s’agit que d’une adaptation productiviste au marché de l’emploi. Les formations hyper-spécialisées qui s’y développent sont autant de trappes à chômage à moyen terme. Plus que d’une soumission au joug des patrons, qui demandent toujours tout et son contraire, on a affaire ici à une dévalorisation des formations quand leur contenu et leur étendue se rétrécissent comme peau de chagrin.

Alors même que la crise de la politique vide l’État de tout contenu stratégique face à une Europe des régions, ce rattachement à l’État-Providence (dans tous les sens du terme) empêche le mouvement de trouver son autonomie politique alors qu’il démontre pourtant une assez grande capacité d’auto-organisation15. C’est comme si le mouvement était paralysé devant la dynamique du capital, l’autonomisation des institutions. Il se produit alors un double mouvement inverse : alors que le capital se répand sur les chemins de l’autonomie (ancienne revendication des étudiants en 68), le mouvement se rétracte sur l’État en tant que pouvoir central, sur ce qu’il croit être encore le garant du compromis social et de la démocratie.

La conséquence, c’est que le système peut être bloqué… sans qu’il soit fondamentalement remis en cause. Le blocage n’est alors plus que théorique quand, par exemple, les enseignants se lancent dans les atermoiements habituels sur la question des examens et que les cheminots reculent leur entrée dans la grève reconductible à l’après pont de l’Ascension. Il ne s’agit toutefois pas de prôner un immédiatisme démagogique comme on le voit fleurir actuellement sur le net avec des propositions de mettre 15/20 à tous les candidats et de laisser passer tous les élèves dans la classe supérieure. Ce serait mettre la charrue avant les bœufs et imaginer radicaliser des moyens de lutte dans un mouvement dont les buts restent pour l’instant peu radicaux. La subversion de l’évaluation scolaire ne peut être un simple moyen de notre action, sauf à instrumentaliser les élèves et à entretenir des illusions. C’est l’évaluation elle-même qui doit être mise en cause comme étant un élément de la valorisation. Car derrière les notes, les « contrôles », les « diagnostics de capacités » et « la gestion des performances cognitives des apprenants », il y a la question plus générale de la valeur qui est le fondement de la dynamique capitaliste.

Un mouvement qui cherche sa radicalité peut commencer à la trouver, par exemple, en boycottant les examens et les concours comme le font les étudiants et certains enseignants de Perpignan, de Toulouse et de Nice. S’ils sont conséquents et que le mouvement s’amplifie et s’approfondit, ils ne peuvent que se poser la question du bien fondé même des examens et des concours. Il ne s’agira alors plus de défendre l’égalité formelle des scolarisés, ni que les petites facs résistent aux grosses, mais de remettre en cause tout un système.

La seule stratégie qui peut dépasser les divergences d’intérêt immédiat, c’est celle qui permet de développer un mouvement qui, en s’approfondissant, montre à tous que cela vaut le coup de s’y mouiller après n’avoir fait que s’y plonger ou le regarder avec sympathie. C’est aussi comme cela qu’on peut éviter le piège de la gestion au cas par cas mise en place par l’État. Celle-ci vise à découper en tranche les salariés du public. Elle isole tout d’abord la fonction publique des entreprises publiques à statut spécial, puis elle isole les enseignants, les plus nombreux, du reste des fonctionnaires en les faisant se précipiter sur le chiffon rouge de la décentralisation. Il suffit alors de céder là-dessus pour espérer faire passer l’essentiel, c’est-à-dire la réforme des retraites puisque la catégorie momentanément en pointe de la lutte devrait ainsi rentrer dans le rang et la menace d’un boycott des examens s’évanouir. C’est le scénario prévu, mais ce qui se passera réellement dépend de nous tous.

Quand le mouvement est suffisamment global et fort, plus personne ne parle de prise d’otages et de conscience professionnelle ! Pour cela, il faut effectivement aller à l’épreuve de force, mais pas pour défendre ce qui existe : ce n’est pas parce qu’on est contre leur décentralisation qu’on doit être pour « notre » centralisation, ce n’est pas parce que l’on est contre leur 40 ans que l’on est pour « nos » 37,5… et des millions de chômeurs…


Notes

1. En réponse à la revendication d’un revenu garanti avancée par certaines organisations de chômeurs.

2. C’est d’ailleurs par conscience de cette entourloupe que la mise en place des assurances sociales qui précédèrent le système de Sécurité Sociale rencontra une sourde méfiance de la part de la classe ouvrière avant que les syndicats ne s’y rallient.

3. Ce terme est à prendre au sens large et ne réfère pas uniquement aux accidents du travail et maladies professionnelles dûment répertoriées.

4. Malgré le cynisme dont nous avons parlé plus haut, c’est ce que présupposait le compromis de classes passé pendant la période des « Trente glorieuses » et ce qui a été appelé le « mode de régulation fordiste » de la contradiction capital/travail.

5. Hewlett-Packard France vient de l’accorder à 53 ans à des conditions exceptionnellement bonnes et de nombreuses grandes entreprises de l’informatique et de la banque ou des assurances souhaitent étendre cette pratique.

6. Si nous ne nous référons plus à la « classe du travail », c’est qu’elle a perdu à la fois sa dimension objective de classe productive (désormais tout est productif pour le capital) et sa dimension subjective de classe porteuse de conscience antagonique. Cette évolution apparaît, entre autres, dans le fait que le salarié du secteur public longtemps considéré comme un représentant des classes moyennes ou plus prosaïquement comme un nanti, représente, en fait, l’une des dernières figures du salarié de type fordiste avec ceux des très grandes entreprises privées ; c’est-à-dire des salariés qui bénéficiaient d’un statut et de droits garantis dans le cadre de l’intégration de la classe du travail dans la société du capital, dans une phase où la force de travail n’était pas encore devenue inessentielle à la valorisation. C’est à ce titre qu’il cherche à maintenir, si ce n’est le fil rouge de la guerre de classe, du moins celui de la défense des acquis de la lutte des classes. Il est donc secondaire et même faux d’insister sur le caractère inter-classiste du mouvement actuel ou de chercher à opposer des fonctionnaires aux ouvriers productifs comme si les premiers ne faisaient que profiter des luttes passées et que jouir de la production actuelle de richesse réalisée par les seconds.

7. Cette phase déflationniste se caractérise par une baisse de tous les indicateurs macoéconomiques et particulièrement de la « demande globale » composée de la consommation des entreprises (l’investissement) et de la consommation des ménages.

8. Le travail n’est évidemment pas qu’une idéologie, mais en dehors du fait qu’il peut parfois apparaître comme une « malédiction », nous préférons mettre l’accent sur le fait qu’il est une contradiction, celle d’une activité humaine qui s’est exprimée historiquement sous la forme : 1) d’une séparation entre l’activité travail et le reste des activités, avec tout ce qui en découle du point de vue de l’organisation des rapports sociaux (séparation travail/temps libre, séparation vie active/retraite) ; une division du travail grosse de la domination de groupes puis de classes sur d’autres ; une forme d’exploitation spécifique à chaque phase historique (esclavage, servage, salariat).

9. Toutefois, à la dernière ag de mai à la Bourse du travail de Lyon, il y a eu des propositions pour aller collectivement, entre grévistes… et à prix gréviste, rejoindre les manifestants anti-g8. Tout récemment, à l’initiative des directions des organisations syndicales et des associations, la jonction avec le mouvement contre la réforme des retraites a été débattue dans les ag des villages anti-g8 d’Annemasse. Il est globalement apparu que cette jonction n’était pas véritablement ressentie comme décisive par les participants au motif que les objectifs de cette lutte se seraient pas assez « généraux », ne concerneraient pas toute « l’humanité ». Mais sans percevoir que cette exigence d’universalité tourne bien court lorsque la majorité des « altermondialistes » acceptent finalement l’essentiel de la capitalisation du monde sauf… lorsqu’elle est conduite par le « libéralisme » !…

10. Cela doit permettre d’éviter aussi bien les « solutions » partielles (le revenu garanti ou d’existence) que les attaques radicales mal centrées (« La retraite on s’en fout, ce qu’on veut c’est ne plus bosser du tout »)

11. La cgt, peut être pour céder à la mode de l’équité, sûrement par souci de ne pas heurter ses gros bataillons du privé, est d’accord sur un allongement des cotisations du public aux 40 ans… à condition que les retraites soient revalorisées. Décidément l’idéologie du travail est quelque chose de bien partagé ! Quant au jeune premier du mouvement cheminot de 1995, B. Thibault, il fréquente aujourd’hui les coulisses du congrès du ps, signifiant par-là à quel point son syndicat est prisonnier de sa nouvelle stratégie de recentrage : pour se distinguer de la cfdt, il ne peut que pousser à la grève, même si c’est du bout des lèvres, dans des secteurs essentiels à la reproduction comme La Poste ou la sncf ; mais pour remplacer une cfdt déconsidérée comme interlocuteur privilégié de l’État et du patronat, il ne peut réellement envisager d’aller au bout de l’épreuve de force.

12. Le ministère de l’Éducation Nationale devenant ministère de l’Éducation semble être la guêpe qui a piqué certains enseignants. Au début de son septennat, Giscard d’Estaing avait déjà réalisé l’opération, sans réaction à l’époque.

13. Cf. l’article de Cl. Thélot dans Le Monde du 28/05/2003.

14. A ce sujet, le modèle est américain. Aux usa, le capital ne produit plus ni sa force de travail de base (il la jette en prison), ni son élite qu’il fait venir de l’étranger sans être obligé d’en assumer le coût de formation. Ce système, parfaitement cynique, n’est pour le moment pas exportable en France tant que l’enjeu de l’école, comme d’ailleurs celui de tout le secteur de la reproduction (santé, transports, communications) y reste politique.

15. C’est net dans l’éducation où, le mouvement, fort de son expérience des luttes de Seine St-Denis en 1998 et contre Allègre en 2000, court-circuite quelque peu les syndicats par les réseaux de coordination et d’information qui débattent en ag et sur internet des modalités de la lutte.

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