Préface à la troisième édition de La survie du capitalisme. La reproduction des rapports de production (Anthropos, 1973) d’Henri Lefebvre

par Jacques Guigou

Les écrits qui composent ce livre ont été rédigés par Henri Lefebvre entre juin 1968 et octobre 1972. Période hautement critique, encore traversée par les puissants mouvements révolutionnaires qui bouleversaient le monde et ses États et qui, en France culminèrent en mai 1968. Période de forte intensité politique où, comme dans les années 1917-21 de ce xxe siècle, le dépassement du capitalisme est à l’ordre du jour car l’horizon, bien qu’obscurci par l’échec immédiat de la version ouvrière de la révolution, reste largement ouvert pour une majorité des contemporains. Période faite de discontinuités, de passages et d’impasses, d’espérances et de désillusions, de recherche collective de « la sortie ». Mais avant tout, période qui achève un cycle historique, celui de la société de classe et de ses révolutions prolétariennes et qui marque l’avènement contradictoire d’un nouveau cycle, celui de la société capitalisée et de son devenir-autre comme communauté humaine.

En continuité avec son effort théorique pour penser la modernité et les modernismes en d’autres termes que ceux des sciences sociales et de la philosophie dont les présupposés sont ceux du système capitaliste et de son État, mais sans pour autant céder au dogmatisme du marxisme-léninisme, Lefebvre, servi par la juvénile ardeur de ses soixante-dix ans, affirme que, sans « abandonner Marx1 » et puisque le programme communiste ne s’est pas réalisé, il convient d’entreprendre une nouvelle analyse du capitalisme pour comprendre pourquoi celui-ci réussit sa « survie ».

Mais dans cette démarche la pensée critique ne repart pas de zéro. Déjà, avant la manifestation de contestation généralisée des institutions et des modes de vie qui, en mai 68, a fait « irruption2 » du bas en haut de la société, le terrain sur lequel se nouent les contradictions historiques du capitalisme avaient été balisé et préparé, des concepts élaborés. La critique de la vie quotidienne, la production et la reproduction de l’espace urbain, le répétitif et le différentiel, le mondial, constituent les semences d’une « découverte » théorique qui a « une portée globale » pour comprendre « la mutation » du système. Cette découverte a un nom : la reproduction des rapports de production. C’est autour de ce processus (et non de ce système) que s’engendrent les faisceaux de causes et de raisons qui maintiennent le capitalisme en survie. Lefebvre refuse, là comme ailleurs, les explications unidimensionnelles. Au détour des 70 pages d’exposé du concept éponyme de son livre, il insiste : il n’y a pas un opérateur unique et isolable de la reproduction des rapports sociaux de production mais l’effort théorique permet de définir le jeu de plusieurs conditions historiques qui contribuent à ce résultat et parmi ces déterminations, il en est deux, majeures, qu’il va expliciter dans les deux derniers tiersde son ouvrage. Tout d’abord Lefebvre donne comme un fait que la classe ouvrière n’a pas perdu son identité de classe des producteurs et forme donc à ce titre « le gros des troupes dans le camp anti-capitaliste » (p.111). Mais elle consent pourtant désormais à sa domination et abandonne sa praxis révolutionnaire. Il faut ensuite considérer dans toutes ses implications le fait que « la connaissance devient une force productive immédiatement » (p.105). En effet, l’expansion des techno-sciences, la spécialisation et la fragmentation des savoirs, l’universalisation de l’information, la valorisation de l’espace urbain et conséquemment la dévalorisation des anciennes médiations de la société bourgeoise se trouvent désormais au centre d’une « révolution culturelle » dont l’issue restera indéterminée tant qu’un « processus total, qui n’aurait dès lors rien de totalitaire, [ne lui donne]pas un sens : celui de la reconstruction de la société en tant que société, sur sa nouvelle base (industrielle et urbaine) » (p. 242). Près de trente ans après cet état des lieux, il est utile de rééditer ce livre pour la connaissance qu’il avance sur la dynamique reproductive du capitalisme, même s’il contient des présupposés politiques issus de l’ancien cycle des luttes de classe, et qui, comme tels, sont aujourd’hui soient caducs, soient convertis en idéologies démocratistes.

La production n’est plus ce qu’elle était

Présente dans les œuvres de Marx, notamment sous la forme de la reproduction simple et élargie de la valorisation du capital (i.e. de la plus value), la notion de reproduction des rapports de production n’est partiellement explicitée qu’avec la publication d’un chapitre du Capital resté inédit et tardivement édité en France en 1970 intitulé Un chapitre inédit du Capital (uge 10/18). Comme d’autres théoriciens critiques de l’époque, Lefebvre s’y réfère, y voit une confirmation de ses anticipations sur l’extension des domaines de la réification à des sphères de l’activité humaine jusque-là moins exploitées que celles du travail productif, mais il n’en tire pas les conséquences coperniciennes qui étaient annoncées au lecteur dans les toutes premières pages de l’introduction sous le nom de « La Découverte ».

Après avoir rappelé que Marx ne néglige pas la reproduction des rapports sociaux comme opérateur de l’accumulation capitaliste (p.62), Lefebvre poursuit en montrant que cette reproduction des rapports sociaux permettait de comprendre pourquoi un tel processus était nécessaire au capital pour intensifier et généraliser sa domination sur le travail productif à l’ensemble du « monde de la marchandise ». Mais il fait aussitôt le constat, trop hâtif, que Marx « ne va guère plus loin » et il se borne alors à évoquer une « question nouvelle : comment sortir du monde de la marchandise, qui semble le milieu nourricier du capital ? » (p.64)3. Ce chapitre inédit du Capital ne contient pas pour lui les prémices d’une rupture significative non seulement avec la théorie de la valeur-travail mais aussi avec la « loi » du nécessaire développement des forces productives. Ici Lefebvre reste fidèle au productivisme de Marx comme à celui de tous les marxismes du xxe siècle4 : sa critique du productivisme stalinien et de la militarisation trotskiste de l’industrie trouvera, après 1968, ses limites dans la défense de l’autogestion (p.195) pourtant vite devenue dans les années 1970 le laboratoire de la liquidation de l’ancienne force collective de travail en rendant de plus en plus inessentiel le travail productif dans le procès global de circulation du capital. Il n’imagine pas un capitalisme qui serait parvenu à largement supprimer le travail humain productif sans pour autant supprimer le profit ou bien encore dans lequel l’activité humaine de production ne serait plus essentiellement un rapport des hommes à la nature extérieure mais un monde où la communauté matérielle du capital5 serait quasiment devenue la « seconde nature » des êtres humains6.

Comme chez Marx, il n’y a pas chez Lefebvre d’analyse de la genèse de la production. Marx a une conception de la production et du travail qui en font des activités invariantes de l’espèce humaine. Il est pourtant nécessaire de tenter des clarifications sur cette genèse pour comprendre la crise majeure de l’activité humaine aujourd’hui, son profond nihilisme. On peut avancer que la production surgit de la séparation entre les groupes humains et la nature. Opération de transformation, la production s’affirme comme une médiation et il peut alors naître et s’établir une sphère de la production qui va capter l’activité humaine et en faire du travail ordonné. L’agriculture fut la première production dans les sociétés humaines. Le surgissement de la production fonde ensuite la dynamique de l’appropriation : un groupe humain s’installe sur une terre pour la cultiver « l’exploiter », la « faire produire ». La production est donc une substitution à un procès naturel, ainsi que le précise Camatte en ces termes : « On a production quand il y a une transformation réelle qui implique une intervention plus importante, une substitution à un procès naturel qui se faisait spontanément. Le travail est cette activité qui vise justement à produire. Avant [l’agriculture] il n’existait pas, car l’activité de la chasse ou de la cueillette n’implique pas une transformation globale7 ». Il faut ajouter à cela que le travail s’instaurant comme opérateur de la production, il le fait de manière contradictoire puisqu’il va se réaliser en créant une classe des travailleurs-producteurs qui se trouvent dépossédés des résultats de leur travail (l’exploitation du travail) et dominées par les propriétaires des moyens de production.

Lefebvre a-t-il un doute sur la cohérence de son analyse ? En tout cas, on le voit hésiter, s’interroger devant ce qui apparaît très visiblement aujourd’hui comme une contradiction : partager la critique du productivisme et de l’ouvriérisme dont le mouvement de mai 68 était porteur, mais conserver le credo marxiste du développement des forces productives, notamment l’apologie de leur expansion maximale dans des activités technologiques, culturelles, intellectuelles, urbaines8 ; et ceci, précise-t-il, en vue d’une « reconstruction de la société sur la nouvelle base (industrielle et urbaine) » (p.242). Que ce credo, devenu « lutte contre le chômage » puis « développement durable » ait couvert d’un bruit assourdissant la société du capital illimité que nous connaissons aujourd’hui ne semble pas l’alerter. Cet écart entre la radicalité de l’analyse et l’insignifiance de son contenu historique (l’autogestion, la « révolution culturelle » et urbaine) éclate ici et il ne cessera de s’amplifier à la lecture des derniers textes du livre.

La crise n’engendre pas la révolution

Certes sensible aux dimensions écologiques exprimées par le mouvement de mai 68 et conscient que cette « domination de la nature » — placée par Marx, à la suite des Lumières et de la rationalité occidentale, au cœur de la modernité — peut conduire à « la destruction de la nature et à la limite à celle de la planète » (p.163), Lefebvre s’inquiète devant la « crise globale » (p.162) qui s’annonce et il précise qu’elle « ne sera plus une crise économique classique, la crise de la surproduction telle qu’elle a sévi entre 1929 et 1933, avec les conséquences que l’on connaît. Ce qui s’annonce, c’est une crise de la reproduction des rapports de production, au premier plan, la défaillance des centres et des centralités. » (p.163).

Ce livre, rédigé avant la manifestation économique de « la crise », en 1974, appartient à l’univers théorique de la critique de l’économie politique et au cycle historique des luttes de classes, mais il nous introduit aussi dans l’époque ouverte par les mouvements révolutionnaires mondiaux de la fin des années 60, époque de la « valeur sans le travail » et sans la classe du travail. Époque qui va voir le capital liquider l’ancienne distinction entre travail productif et travail improductif en faisant de quasiment toutes les activités humaines un travail productif (le chômage, l’emploi précaire, la « flexibilité », les stages, le virtuel, etc.) afin de supprimer toute dimension objective de la valeur. Parvenant ainsi à s’affranchir de sa détermination à l’exploitation de la force de travail (le travail vivant chez Marx comme base de la valeur-travail), le capital va tenter de réaliser (sans y parvenir totalement) la suppression du travail humain productif.

Toute activité devient alors pour lui une opportunité de « création de valeur », c’est-à-dire de valeur s’autovalorisant, notamment sous sa forme financière. Sans le qualifier dans ces termes, avec son langage « métaphilosophique », ce livre pressent pourtant la montée en puissance du processus. Il y est maintes fois affirmé que la production n’est plus essentiellement transformation des ressources naturelles par l’exploitation de la force de travail mais qu’elle est aussi production de rapports sociaux. Toutefois, Lefebvre ne peut (et ne veut) énoncer que le véritable opérateur du procès de production, c’est désormais toute la société. Toutes les activités humaines tendent à être valorisées, c’est-à-dire mises en forme pour « créer de la valeur ». C’est donc le capital qui, en rendant l’ancien travail humain productif toujours plus inessentiel dans le procès global de valorisation9, est parvenu à socialiser la production et cette « révolution » n’a pas été l’œuvre historique de la classe des producteurs émancipés et associés comme Marx l’avait prédit. Cela Lefebvre ne peut le formuler, moins parce qu’en 1971, il n’est pas en mesure d’observer les prémices de l’englobement capitaliste (nous sommes encore dans le « plein emploi et l’État-Providence), mais surtout parce qu’il reste attaché au marxisme-léninisme et à son présupposé objectiviste : la contradiction entre les rapports de production (y compris leur reproduction) et le développement des forces productives doit engendrer la crise finale du capitalisme. Le dialecticien Lefebvre s’autorise cependant une prévision : le système va avoir de plus en plus de mal à reproduire les conditions de son devenir. Sur ce point trois décennies de « crise », de destruction de la planète et de « gestion des catastrophes » ne l’ont pas démenti ; sauf sur un élément, essentiel : une théorie de la révolution ne peut plus se référer à cette invariance du « programme prolétarien » qui appelait le sujet historique (le prolétariat) à accomplir le nécessaire débouché révolutionnaire de la crise

Une intuition politique accompagne cette prévision (le « programme commun » socialo-communiste venait d’être signé) : ce sont les forces qui se veulent héritières du mouvement ouvrier qui vont « prendre le relais de la bourgeoisie » (p.165) pour assurer la croissance du capitalisme. Sur ce point, et à condition — ce qui n’est pas rien — de faire abstraction de la référence classiste (maintient de l’antagonisme bourgeoisie/classe ouvrière), ces trente années de « gestion sociale de la crise » lui ont également donné raison.

Caducité des classes et de leur dialectique

Si la classe ouvrière n’est plus révolutionnaire et que le capitalisme n’est plus un mode de production (p.85-87) mais un système de reproduction des rapports sociaux capitalistes et si l’on n’abandonne pas pour autant le « projet révolutionnaire » (p.140), y aurait-il alors un nouveau sujet historique de la révolution ? Lefebvre affronte cette question politique centrale en mettant en œuvre toutes les ressources du « mouvement de balancier entre les extrêmes10 » (p.106). D’une part son analyse sociologique le pousse à constater l’absence d’unité de la classe ouvrière, sa fragmentation, son intégration (qu’il qualifie de « conjoncturelle ») à la société de consommation, son adhésion à l’idéologie de l’entreprise et de la défense de l’outil de travail ; mais d’autre part, il affirme que cette même classe ouvrière reste « un bloc relativement homogène (…) qui est là, solide et qui résiste » (p.135), qui « se montre impénétrable, irréductible » (p. 111). Face à la dissolution des rapports sociaux engendrée par la reproduction capitaliste, face à la prolétarisation croissante d’une masse de plus en plus importante d’individus atomisés, la classe ouvrière n’accepte pas « la société bourgeoise », mais elle se rallie à la version minimaliste de la « transformation révolutionnaire » (p. 135). Ce diagnostic sur le caractère hybride de la classe ouvrière laisse cependant Lefebvre insatisfait. Il cherche un dépassement possible, une « voie » de passage qui n’a plus rien de commun, bien sûr, avec l’ancienne « transition socialiste ». En accord avec divers courants issus de mai 68 qui luttent contre l’universalité totalisante de la « société bourgeoise, de ses institutions et de son État-répressif » au nom de l’autonomie, de l’autogestion et de la « libérations des minorités et des dominés » (les femmes, les enfants, les immigrés, les homosexuels, les régions, les ouvriers, etc.), Lefebvre en vient lui aussi à affirmer l’autonomisation nécessaire de la classe ouvrière, son « autodétermination » (p.163). Pas plus que les nombreux partisans des « libérations » identitaires, il ne perçoit que cette affirmation « différentialiste » contre la reproduction capitaliste (le plus souvent réalisée dans des formes autoréférentielles et particularistes), ne peut avoir de débouché politique radical puisque c’est sur cette base : l’entreprise pour tous et chacun devenant une entreprise quelle que soit son activité, que s’effectue la capitalisation généralisée de toute la société.

L’histoire du mouvement des Lip, contemporaine de la parution de La survie du capitalisme, manifesta de manière emblématique cette impossibilité pour des « grévistes se voulant producteurs associés » à dépasser la défense de leur condition prolétarienne au moment même où le capital, pour assurer sa reproduction comme système (et non plus comme mode de production), doit supprimer massivement du travail humain productif. Ruse dramatique de l’histoire, « l’autodétermination de la classe ouvrière » devient nécessité de la reproduction du rapport social capitaliste11.

Livre lucide sur son époque ; livre qui ne s’illusionnait plus sur « la transition socialiste » puisqu’il nous montrait comment c’était le capitalisme lui-même qui la réalisait ; livre de la fin du cycle des luttes de classe et de la société bourgeoise, mais aussi livre ouvert sur les possibles que contenait le mouvement révolutionnaire de 68, ce livre que, comme beaucoup, dès sa parution, nous lûmes avec une passion faite de gravité et d’enthousiasme, nous met en continuité avec les luttes de l’époque, qui comme celles d’aujourd’hui, cherchent à faire de l’histoire autre chose qu’une capitalisation de la vie.

Notes

1. Une pensée devenue monde. Faut-il abandonner Marx ? sera le titre d’un ouvrage à venir, paru en 1980 chez Fayard.

2. L’irruption de Nanterre au sommet (Anthropos, 1968) devait-il être réédité en 1973 indépendamment de La survie du capitalisme ? Peut-être. C’est pourtant un autre choix qui a été fait par Henri Lefebvre et son éditeur Serge Jonas, fondateur et directeur d’Anthropos. Ils ont combiné dans un nouveau livre plus de la moitié des pages écrites à chaud par Lefebvre sur le mouvement de mai 68 et déjà publiées dans L’irruption… avec les longs textes sur la reproduction et sur la classe ouvrière écrits quelques années après et qui forment l’ossature du présent livre. Aucune mention n’est faite de ce montage éditorial dans le paratexte des deux éditions de 1973 ; la seule trace se trouve à la fin de la note du bas de la page 58, ainsi rédigée : « cf. aussi L’irruption… texte de juin 1968, reproduit ci-après ». Rémi Hess commente plus longuement cet arrangement textuel dans sa posface, p.

3. Question pas si nouvelle d’ailleurs puisqu’elle était déjà théorisée par diverses composantes révolutionnaires de 68, dont les situationnistes ; question dans laquelle ils se sont d’ailleurs enfermés, assimilant le « monde de la marchandise » à un rapport marchand universalisé dans « le spectacle », et passant, ce faisant, à côté de l’opérateur central de la capitalisation de la société : le mouvement de la valeur tendant à devenir activité humaine générique.

4. Sauf celui de Bordiga, qui, très critique vis-à-vis de la pratique gestionnaire des conseils ouvriers des années 17-21, affirmait alors : « Le socialisme est tout dans la négation de l’entreprise capitaliste, non dans sa conquête de la part du travailleur » Prometeo, 1ère série, 1924. Cf. aussi, Amedeo Bordiga, Espèce humaine et croûte terrestre, Payot, 1978.

5. Cf. sur cette analyse : Jacques Camatte, Capital et Gemeinwesen : le 6e chapitre inédit du Capital et l’œuvre économique de Marx, Spartacus, 1978.

6. On pourra lire une explicitation de ce devenu contemporain du capitalisme et un débat à son sujet dans les deux articles suivants : Jacques Wajnsztejn, « Quelques précisions sur le système de reproduction capitaliste » et Jacques Guigou, « Trois couplets sur le parachèvement du capital », Temps critiques, no 8, 1999.

7. Revue Invariance, 1987, série iv, no 3, p. 21.

8. Sans les connaître semble-t-il, Lefebvre est ici assez proche de certaines thèses de « l’opéraïsme » défendues par des groupes révolutionnaires en Italie depuis les années 60 (Quaderni rossi, Classe operaia, Potere operaio, Lotta continua, les diverses tendances de l’Autonomia), thèses qui, se fondant sur la fin du fordisme et sur l’importance de « l’ouvrier social » et de ses capacités subjectives à se libérer de son assignation à n’être qu’une force de travail (cf. Tronti, Ouvriers et capital, 1977) affirment une issue politique aux luttes de classe : celle d’une « libération du travail exploité » (Negri) et la revendication d’un « salaire politique ». Ne pourrait-on pas déceler dans cet « autonomisme » lefebvrien les prémices de son citoyennisme de la fin des années 80 ?

9. Pour une analyse développée de cette réalité et de sa critique, on pourra lire : Guigou J. et Wajnsztejn J. (dir.), La valeur sans le travail, L’Harmattan, Coll. Temps critiques, 1999.

10. Cette posture du « balancement » dialectique exprimée page 106 à propos de la critique du savoir est fréquemment utilisée par Lefebvre dans ses débats et ses combats entre sa droite (les staliniens et les sociaux-démocrates) et sa gauche (l’extrême-gauche et l’ultra-gauche). Dans cet exercice le logicien Lefebvre n’échappe pas toujours au piège d’une rhétorique dialectique ; d’un dialectisme qui ressemble à la recherche du compromis politique, quitte à le réaliser, référence quelque peu inattendue ici …pour la « civilisation » (p.106). Mais alors que devient la discontinuité de la révolution si elle n’est plus rupture avec toutes les formes de domination ?

11. Sur ces dimensions intégratrices de l’autogestion et plus généralement sur l’autonomie et l’autoréférence comme opérateurs de la société capitalisée, on peut lire notre ouvrage : La cité des ego, L’impliqué, 1987 et le volume I de l’anthologie de la revue Temps critiques, livre collectif que nous avons dirigé avec Jacques Wajnsztejn et publié chez L’Harmattan sous le titre : L’individu et la communauté humaine, 1999.

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