Discussion de la notion de Capital fictif chez L. Goldner
Dans ce texte1 de 2003, Goldner s’affranchit de la théorie de la valeur-travail en faisant ressortir que les éléments essentiels du Livre iii du Capital de Marx ont rarement été pris en compte, or, poursuit-il, la notion de capital fictif n’apparaîtrait qu’avec ce livre iii2. Il critique les marxistes qui se focalisent sur ce qu’il nomme le « système clos » des Livres i et ii, c’est-à-dire le procès de production immédiat dans lequel « ne figurent que des capitalistes et des prolétaires ». Selon lui, le capital fictif puise sa valeur dans « le pillage » des formes de la reproduction « non payées » par le capital : petits producteurs des périphéries, épuisement de la nature, exploitation d’une force de travail exemptée des charges sociales de sa reproduction, etc. Il résume son propos dans une formulation qui demande à être explicitée : « Le capital fictif est l’écart entre le prix global et la valeur globale à une échelle mondiale ». Explicitation nécessaire, car au niveau de la globalisation, on ne voit pas où se trouve cet écart. Il y aurait là plutôt identité entre prix et valeur si on conçoit le prix comme représentation de la valeur en dehors de la valeur d’usage.
En parallèle avec le développement de Goldner, mais plutôt sur un modèle braudélien, nous pourrions établir une articulation du processus de totalisation du capital, en trois niveaux :
le niveau 1 ou niveau supérieur dans la mesure où il contrôle et oriente l’ensemble. Il comprend les États dominants, les banques centrales, les institutions financières, les trusts, les sphères informationnelles et technologiques. On peut donc dire que ce niveau 1 est celui de la représentation. C’est le niveau de la puissance et du captage de la richesse ; c’est aussi le point de départ du capital fictif et le lieu de son contrôle (politiques de crédit facile ou restrictive et lutte contre l’inflation). Les très grandes entreprises qui en font partie échappent presque totalement aux lois strictes du marché et fonctionnent en tant qu’organisations et groupes affairistes en situation de marchés oligopolistiques3. Cette société-entreprise n’a guère besoin d’actifs, mais plutôt d’un solide capital-confiance !
le niveau 2 ou niveau intermédiaire qui est celui que Goldner appelle « le système clos », celui où s’opère la dépendance réciproque entre le pôle travail et le pôle capital du rapport social capitaliste. Ce niveau est aujourd’hui celui des innombrables petites et moyennes entreprises, travaillant souvent en sous-traitance ou en réseau avec de plus grandes et qui subissent de plein fouet les exigences d’une économie de marché mondialisée et sauvage. L’usine-entreprise, siège du procès de production est un lieu qui désormais freine le mouvement du capital et pour surmonter cette fixation, il faut qu’elle perde ce caractère qui reposait sur l’entrepreneur, la propriété, les salariés. C’est ce qu’atteignent les entreprises du niveau 1 et c’est aussi ce qu’ont réussi à réaliser les nouvelles entreprises de la « net-économie ». Sur la base d’un capital fixe proche de zéro, il leur suffit d’une avance de capital pour faire démarrer l’affaire. Ce n’est quand même pas un processus sans limite puisque du fictif au virtuel il n’y a parfois qu’un pas comme l’a montré le dégonflement récent de la bulle des ntic.
Goldner perçoit bien le processus de totalisation du capital et ce que Temps critiques a désigné comme « l’inessentialisation de la force de travail » dans la capitalisation des activités humaines. Il souligne la nécessité pour le capital « de se mélanger au travail vivant pour se développer (
) et sa tendance simultanée à chasser la force de travail vivante du processus de production ». En extrapolant ce processus que Temps critiques a nommé « la valeur sans le travail », Goldner énonce une sorte de « parachèvement du capital » (Guigou, 1996) qu’il décrit ainsi : « A un certain point, l’obstacle à l’expansion du capital devient le capital lui-même ». Toutefois il ne fait pas le saut qui le conduirait à adopter la notion camatienne de « mort potentielle du capital ». Il ne peut le faire car cela viendrait anéantir son modèle du capital fictif comme pillage des espaces de non reproduction globale du système réalisé grâce au titre de propriété.
le niveau 3 ou inférieur car il subit les conditions des deux autres niveaux est donc celui du pillage des richesses produites par les petits producteurs des pays dominés et celui du pillage des ressources naturelles. Ce pillage ne serait pas payé et le gain qui en serait tiré masquerait le fait d’un coût de reproduction non payé bien supérieur à long terme. Goldner rejoint ici, sans le dire, les critiques réformiste et écologiste de l’économie en terme de « développement durable » et « d’externalités négatives », mais en utilisant dans leur acception marxiste, les notions de valeur et de propriété. En effet, pour lui, le capitalisme contemporain n’aurait pas encore sombré dans « la dégringolade déflationniste » car « la combinaison de la valeur excédentaire et du pillage soutient les titres papier qu’il invente ». La base matérielle du capital fictif serait donc elle-même une fiction, celle d’un titre de propriété (foncière et industrielle) qui n’a plus de valeur équivalente réalisable, mais qui permet, « grâce au système de crédit, au capital fixe d’entreprises endettées de passer dans la circulation générale, comme une bulle de promesses en l’air ». Selon Goldner, les titres de propriété tireraient encore leur puissance de leur origine proto capitaliste (du xve au xixes.) lorsqu’ils représentaient une « autorisation de pillage » de la paysannerie soutenue par l’État royal et son armée. Ce que Marx a décrit comme la fonciarisation du capital et dont il a fait un opérateur majeur de sortie de la féodalité peut-il aujourd’hui être encore actif ? Certainement pas. La propriété foncière, puis la propriété industrielle ont été successivement vidées de leur capacité de valorisation ; la première dans la période de domination formelle du capital (fin de la domination de la classe des propriétaires), la seconde dans la période de domination réelle (englobement de la classe du travail). Avec l’épuisement de la dialectique des classes, le capital s’est affranchi de la nécessité dans laquelle il était de se référer à un titre de propriété. C’est d’ailleurs ce processus d’abstraïsation du capital qui a permis à Marx de parler de capital fictif. Certes, Marx conserve l’implication foncière de la valorisation4. Ce n’est plus le cas pour les théories du capital fictif élaborées à partir de la crise de la valeur-travail après 1968 ; celle de la revue Invariance notamment.
L’absence d’une analyse historique de la propriété dans la dynamique du capitalisme constitue le point aveugle de cette intéressante contribution de Goldner à la notion de capital fictif.
Mais revenons à l’articulation par niveaux. Goldner reconnaît qu’il y a réactivation de formes proto-capitalistes, mais il est peu pertinent de les nommer dans ces termes car elles sont aujourd’hui des formes modernes dans le cadre de leur articulation au sein du procès de totalisation du capital. Goldner rappelle avec raison que l’État, les banques, le crédit ont préexisté à la valorisation par le travail productif dans le « système clos » qui, justement, ne l’est plus dans la nouvelle articulation. Le niveau 2 est complètement pénétré par le niveau 1 et agit aussi en rapport avec le niveau 3 puisqu’il participe éventuellement au pillage, même si c’est de façon subordonnée.
Résumons-nous : dans le niveau 1, le capital domine la valeur dans la mesure où il s’autonomise de sa forme valeur pour revêtir n’importe quelle forme, y compris celle du capital fictif. Dans le niveau 2, il y a tendance à l’autonomisation de la valeur, ce qu’un fin marxiste comme p. Mattick reconnaît dans son commentaire des mini krachs boursiers de 1987 et 1989 : « Si on en est là, c’est tout simplement parce que l’économie capitaliste n’est plus en expansion en tant qu’économie capitaliste5 ». C’est reconnaître que l’accumulation se fait en partie en dehors de la sphère productive et qu’elle correspond donc à une accumulation de valeur fictive. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il y a « échappement » de la valeur puisque ce processus reste sous le contrôle du niveau 16. C’est ce que Goldner dit quand il lie augmentation du capital fixe et dévalorisation du capital fixe dans le « système clos », mais le problème reste qu’il l’envisage toujours dans les termes de la loi de la valeur, ce qui nous semble faire preuve d’incohérence.
On peut essayer de resituer cette modélisation théorique au sein du mouvement historique. Chez Marx, le capital fictif concerne surtout le développement du capital par actions, les traites, etc. autant de catégories qui ressortent plutôt du capital financier. Cette conception ne conduit donc pas encore à une transformation du concept de capital même quand la valeur n’est plus qu’une simple représentation. Pour Marx le capital n’est encore qu’une variable extérieure (dans Le Capital, elle n’apparaît qu’au Livre iii comme le signale Goldner), mais à son époque le système de crédit ne peut vraiment être appelé capital fictif car il repose encore sur la couverture de l’étalon-or. Le mouvement du capital fixe était forcément pro-cyclique et le capital fictif contribuait à la valorisation dans la mesure où il ne faisait que l’anticiper. L’écart entre prix et valeur est alors normal, mais dès qu’il y a dysfonctionnement, le capital fictif reste pro-cyclique (dit autrement, il épouse toujours le sens du cycle) et donc constitue un facteur aggravant de la surproduction et de la spéculation comme l’a montré la crise de 1929. Cela se termine par une déflation telle que les prix se réalignent sur le niveau des valeurs. Toute cette analyse s’effectue dans les présupposés de l’économie classique reprise par Marx, c’est-à-dire selon une conception de la monnaie comme simple voile et moyen de l’échange.
Keynes met à mal ce présupposé en définissant la monnaie comme agent actif, comme désirable en elle-même. Il se place résolument du point de vue de la demande (consommation + investissement) et non de l’offre (la production). Le capital fictif devient alors, dans cette perspective, non un élément de la crise mais un élément de sortie de crise, un élément contra-cyclique par injection de l’extérieur du circuit du marché, de liquidités qui autrement n’y seraient pas entrées. C’est ce qui sera appliqué dans le New Deal rooseveltien, mais aussi dans les fascismes, puis par tous les pays pendant la période 1945-1975. C’est une dernière tentative pour le capital de dominer à travers le travail (cf. les politiques de plein-emploi). Pendant cette période, le niveau 2 reste prédominant, mais déjà le rôle interventionniste et régulateur de l’État, comme l’action des banques sont des éléments clés des transformations structurelles du secteur 2. Par exemple, en France, la restructuration gaulliste de l’appareil productif, ainsi que son ouverture puis son insertion au sein de la cee, donnent lieu à une refonte complète du système des banques (nationalisation des quatre grandes banques de dépôt, fin de la division stricte entre banques de dépôts et banques d’affaires, mensualisation et virement automatique des salaires). La crise des années 73-74, révélée par le doublement du prix du baril de pétrole, conduit à une dernière tentative de sauver la primauté du secteur 2 en imposant au pas cadencé (il faut parer au plus pressé), d’une part une politique anti-inflationniste de crédit cher et de désendettement, d’autre part, une politique d’attaque contre la valeur de la force de travail de façon à inverser la tendance antérieure d’un partage de la valeur ajoutée « favorable » aux salaires. Mais presque parallèlement, on voit se mettre en place tout un ensemble de dispositifs à visée beaucoup plus stratégique :
inconvertibilité du dollar (1971) qui consacre l’absence de limite au développement du capital fictif qui n’a plus désormais de référent objectif. Le dollar flotte à la baisse ou à la hausse mais il domine. Dès lors, la monnaie américaine s’affirme comme valeur fictive et ne repose plus que sur la confiance et non pas sur les taux de profit7 !
mise en place de changes flottants et de droits de tirages spéciaux, consacrant la part déterminante prise par le capital fictif dans la valorisation ;
une organisation mondiale du commerce (omc) ;
des rencontres entre États dominants (après l’écroulement du bloc de l’Est, g7 puis g8) ;
un déclin du marché bancaire au profit du marché financier (« globalisation ») et enfin,
une tendance à la valeur sans le travail dans le secteur 2.
Toutes ces interventions tendent vers une perte de centralité du secteur 2 et une prédominance stratégique du niveau 1 dans le procès de totalisation du capital8. Le capital, c’était la valeur en procès, mais il apparaît maintenant que pour le capital, la valeur c’est le capital en procès ! Ce procès est le mouvement général du capital et non pas le seul procès de travail. Il est donc aberrant de parler du capital financier en tant que parasite du capital productif car aucune catégorie du capital ne s’autonomise vraiment, mais toutes sont des figures de la totalité du capital sur la longue période. Le capital n’a pas de forme privilégiée et il y a identité de tous les capitaux et non pas dédoublement capital réel/capital fictif. Dans cette identité de tous les capitaux on observe encore la caducité de la loi de la valeur qui, par définition, les catégorise et les sépare. Il n’y a plus à parler en termes de valorisation et dévalorisation et on peut donc abandonner le terme de valeur au sens marxiste, pour dire qu’aujourd’hui, c’est le capital qui attribue la valeur9.
Dans cette perspective, le mouvement du capital dissocie l’espace et le temps (celui de la production et de la circulation) pour les reconstituer à sa façon, mais en s’emparant du futur. Entre le présent et le futur, le crédit joue son uvre, mais il n’est plus le simple moyen qui comble le hiatus entre production et circulation. Lorsque la valeur s’autonomise, le capital fonde le crédit en lui assurant sa propre base (cf. l’endettement public). Le capital peut exister en dehors de sa substance, ce que Marx affirme aussi bien dans le Livre ii que dans le Livre iii du Capital. Dans ce mouvement, le capital réalise son mouvement positif (il s’affirme en tant que capital fictif), mais par cela, il va au-delà de ses limites et englobe le mouvement négatif (son pôle travail et donc la négativité de la classe du travail). Il n’y a plus, en tendance, de contradiction entre temps de la production et temps de la circulation.
Le fait que l’articulation entre les trois niveaux fonctionne avec une prédominance du niveau 1 et donc avec, comme nous l’avons dit, une domination du capital sur la valeur, rend illusoire la vision de Goldner, d’un mouvement déflationniste réduisant l’écart entre prix et valeur et prononçant l’échec final du capitalisme10. Son analyse relativement hétérodoxe du capital fictif le conduit malheureusement à des conclusions parfaitement orthodoxes du point de vue du dogme marxiste et de l’économie politique en général. Cette dernière, en effet est bâtie sur la théorie de l’équilibre et, finalement, « l’économie marxiste » (cette aberration théorique !) s’y rattache en développant la doctrine d’un inéluctable déséquilibre à venir (la crise finale du capitalisme). Dans ces deux cas, l’analyse pense le capital seulement comme une forme réelle qui ne peut prendre une forme fictive alors que justement le capital fictif peut seul permettre au capital de se dépasser et se développer au-delà de ses limites productives. Dans cette optique, c’est tout le matériel conceptuel de la loi de la valeur qui s’écroule, ce que ne semble pas vraiment percevoir Goldner. Dès 1972, J.-L. Darlet, dans le no 2, série ii, de la revue Invariance, en tirait une conclusion importante : « Le capital peut être en crise sans que cette crise soit une crise de la production et, comme corollaire, ce qui peut apparaître comme crise de la production n’est plus forcément une crise grave du capital ». On comprend bien que cela puisse être négligé et par les tenants de la non transcroissance des luttes et par les partisans d’une lutte de classes immuable, puisque pour eux, les luttes ne peuvent jamais donner que ce qu’elles ont dans le ventre et pas plus. En effet, ces deux positions, à partir de prémisses théoriques opposées conduisent à une même conclusion qui est que les conditions objectives doivent être présentes pour que les pratiques subjectives prennent sens. Et cette objectivité, ils la trouvent dans la crise que ne manquera pas de produire un système qui repose sur des contradictions insurmontables.▪
Notes
1 Loren Goldner, Du capital fictif, 2003. Consultable sur le site :
home.earthlink.net/ lrgoldner/onceagainfrench.html
2 Pour être juste, la notion de capital fictif apparaît déjà dans les Grundrisse : « La tendance nécessaire du capital est : circulation sans temps de circulation ; cette tendance est la détermination fondamentale du crédit et des inventions de crédit du capital. D’un autre côté, le crédit est donc aussi la forme sous laquelle le capital cherche à se poser différent des capitaux particuliers ou que le capital particulier cherche à se poser en tant que capital à la différence de ses limites quantitatives [ ] Le plus grand résultat que le crédit apporte dans cette voie c’est le capital fictif ; en outre le crédit apparaît en tant que nouvel élément de concentration, de destruction de capitaux en des capitaux particuliers centralisés. D’un certain côté, le temps de circulation de l’argent est objectivé [ ] L’antagonisme du temps de travail et du temps de circulation contient toute la théorie du crédit, dans la mesure où l’histoire de la circulation intervient » (Fondements, tome ii. Anthropos, p. 171-172). A. Negri, souvent traité en chien crevé du marxisme pour toutes sortes de raisons et par toutes sortes de gens, s’est penché de façon très intéressante sur cette question dans son ouvrage, Marx au-delà de Marx. Bourgois, 1978.
3 C’est-à-dire sur un marché où quelques entreprises dominantes imposent leurs conditions à une multitude potentielle d’acheteurs.
4 La critique de la propriété, telle qu’elle s’énonce ici, ne concerne que la propriété dans le secteur 3 (la propriété foncière) et dans le secteur 2 (la propriété sur le capital fixe de l’entreprise), mais non celle du secteur 1 dans la mesure où les titres qui circulent sont quasi-virtuels car à ce niveau, la fictivisation du capital joue à plein.
5 Cf. Cahiers du doute.
6 Sur cette question on peut aussi se reporter au no 6-7 de Temps critiques (p.53 et suiv. ainsi qu’au livre de J. Wajnsztejn à paraître été 2007).
7 La génération spontanée des dollars qui ne trouvaient plus à s’échanger contre de l’or et surtout l’or restait trop déterminé par la productivité de l’extraction minière au regard des besoins du capital.
8 Que cette fictivisation du capital ait été une nécessité est bien montré par un « expert » dès 1972, au moment du « problème » de l’inflation : « En conclusion, constatons que le financement de la croissance n’est presque pas assuré par les mécanismes propres au système capitaliste [sous-entendu, dans notre modélisation, au sein du niveau 2. Ndlr]. Ils impliqueraient, en effet, que des particuliers acceptent de s’endetter pour emprunter des liquidités qu’ils engageraient en placements non liquides auprès de telle ou telle entreprise dont ils parieraient sur la croissance. L’argent frais pénétrerait ainsi dans l’économie par la Bourse. Et les entreprises étant financées par la Bourse, n’auraient pas besoin de s’autofinancer. En l’absence d’inflation, le montant de l’endettement des particuliers serait égal au montant des liquidités nécessaires à la croissance et pas plus. En fait, pour financer la croissance, le système capitaliste implique l’existence de parieurs prêts à perdre en nominal le montant de leur mise, s’ils se sont trompés sur la croissance escomptée de telle ou telle entreprise. Le montant de ces paris étant insuffisant, les entreprises doivent s’endetter directement auprès des institutions financières. Ce mécanisme existe en système non capitaliste [sans le dire, l’auteur renvoie à l’analyse braudélienne des niveaux]. En définitive, avec l’existence du taux d’intérêt, prix de l’argent non prêté (en cas de placements en liquidités) ou prêté pratiquement sans risque de perdre du nominal (obligations), le système capitaliste ne finance que très partiellement la croissance et engendre une inflation cumulative » (« Analyse de l’inflation » par J. Frau, in Le Monde du 05/12/1972). Mais ce que ne voit pas cet « expert » c’est qu’en même temps, dans l’inflation, le capital a conscience de « jouer sa peau » car elle représente un état de crise permanent. Les politiques anti-inflationnistes ont représenté une tentative de reproduire les contradictions à un autre niveau, celui dans lequel le capital fictif réussit à se débarrasser de la question des taux d’intérêt (désintermédiation bancaire et accès direct au marché financier pour les entreprises).
9 Contrairement à ce que sous-entend Théorie Communiste dans « tc brûle-t-il ? » (critique de la lettre à Meeting de JW), nous ne faisons donc pas de jeu de mot sur la « valeur ».
10 Un mouvement que nombre d’économistes nous annoncent depuis la fin des années 90.